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Les antiques stratèges chinois se frottent les mains : leur cher 聲東擊西 est remis au goût du jour par la bande de Joe l'Indien, qui utilise la pierre ukrainienne pour faire deux ou trois coups. Le moins que l'on puisse dire est que c'était prévisible...

Comme nous l'annoncions il y a un an, le vice de Barack à frites revient en effet aux fondamentaux de la politique Démocrate :

Biden est presque l'antithèse parfaite de Trump : rageusement anti-russe et coresponsable du putsch ukrainien, grand amateur de l'OTAN et de la soumission européenne au "leadership" US, il est par contre plus souple sur la Chine (business as usual) ou sur l'Iran (accord obamesque sur le nucléaire). Cela n'étonnera guère si l'on garde à l'esprit que le Deep State, un temps uni et homogène, est maintenant déchiré entre des chapelles parfois inconciliables.

L'empire n'ayant plus la capacité d'affronter tous ses adversaires à la fois, de douloureux choix ont dû voir le jour au fil du temps. Aux néo-"kissigériens" qui veulent jouer la carte de la Russie contre la Chine s'opposent les "bzrezinskiens", plus nombreux, qui préconisent l'inverse. Aux adorateurs du veau d'or israélien répondent les partisans des Frères musulmans tel Soros. Certes, tout ce joli monde se retrouve sur certains dossiers, l'exemple syrien en est la preuve, mais cela ne doit pas cacher les divisions grandissantes au sein de l’État profond. Évolution on ne peut plus classique d'un Deep State omnipotent à la tête d'un empire déclinant...

Est-ce tout à fait un hasard si la fameuse Victoria Nuland fait son grand retour aux affaires ? On s'en rappelle, c'est elle qui avait sonné la charge un certain hiver de la dernière décennie :

En décembre 2013, Victoria Nuland distribuait des cookies aux manifestants. Deux mois plus tard, lors d’une conversation téléphonique avec l’ambassadeur américain à Kiev, enregistrée et rendue publique par les facétieux services secrets russes, la représentante de l’administration Obama ne distribue plus des petits gâteaux mais les futurs postes de ministres, faisant et défaisant le gouvernement ukrainien ! C’est à cette occasion que, en désaccord avec Berlin sur l’attribution d’un ou deux maroquins, elle prononce son fameux « Que l’UE aille se faire foutre ! ».

Émergeant de leur léthargie, les dirigeants européens froncent un sourcil, déclarent haut et fort que ces paroles sont inacceptables puis, sans doute épuisés par leur audace, retombent dans leur somnolence. Que de hauts responsables états-uniens misent sur le renversement à venir du gouvernement légal et décident du futur de l’Ukraine ne semble pas les gêner plus que cela…

Désormais, la course au putsch est lancée. Victoria "Fuck the EU" Nuland a clairement annoncé la couleur : les États-Unis ont investi, depuis 1991, cinq milliards de dollars afin de « promouvoir le développement des institutions démocratiques et établir une bonne gouvernance », autrement dit installer un régime ami à Kiev. Le Maïdan est le moment ou jamais d’arracher l’Ukraine à la sphère russe et de l’arrimer à la communauté atlantique. En filigrane, évidemment, l’avancée de l’Otan vers la Russie, objectif depuis toujours des stratèges américains.

Il est vrai que la dame a un parcours impérial de toute beauté :

Mariée au néo-cons Robert Kagan, Victoria Nuland a d'abord été adjointe de Madeleine "Kosovo" Albright, puis ambassadrice permanente de Bush Jr à l'OTAN, conseillère pour la politique étrangère de Dick Cheney, envoyée spéciale de l'hilarante Clinton et enfin secrétaire d'Etat assistante pour l'Europe et l'Eurasie sous l'administration Obama. Démocrates, Républicains, tout y passe du moment que c'est pour la cause supérieure. Elle connaît son Grand jeu sur le bout des doigts...

Le départ de Barack à frites et l'élection de Trump ont été, on l'imagine aisément, une bien mauvaise nouvelle pour cette russophobe affirmée, même si elle flâne dans divers think tanks et reste membre du directoire du N.E.D, dont la passion pour les regime change n'est plus à démontrer.

Sortie de son cryo-sommeil, la gorgone vient de publier une diatribe contre l'abominable Poutine des neiges où elle ressasse les habituels poncifs éculés. La Russie est faible mais elle a profité de l'impotence du leadership américain (sous Donaldinho, évidemment) pour perpétrer ses malfaisantes agressions : violer la loi internationale, les traités sur le contrôle des armements, la souveraineté de ses voisins et l'intégrité des élections aux Etats-Unis et même, pourquoi pas après tout, en Europe ! Mais l'ours qui fait si peur n'est en réalité qu'un colosse aux pieds d'argile qui prie pour que le camp du Bien mette fin aux sanctions.

Dans cet indigeste laïus apparaissaient quelques menaces voilées : renforcement du flanc oriental de l'OTAN, appui à l'Ukraine, maintien des forces américaines en Syrie pour que « Poutine ne devienne pas le maître du Moyen-Orient » etc. Et enfin, un véritable petit morceau d'anthologie que ne renierait pas Soros :

« Les Etats-Unis et leurs alliés devraient résister aux tentatives de Poutine de couper sa population du monde extérieur (!) et parler directement aux Russes à propos des bénéfices qu'ils pourraient retirer à travailler ensemble et du prix qu'ils ont payé à cause de la répudiation du libéralisme par Poutine ». C'est beau comme du Walt Disney, même s'il ne faut pas être grand clerc pour y voir un encouragement à l'élaboration d'une "révolution colorée"...

La perpétuelle politique de "changement de régime" est de plus en plus décriée dans certains secteurs états-unien - témoin, ce remarquable article qui montre la réussite très aléatoire de ces manigances (39% de succès, principalement à une autre époque et dans des pays relativement faibles) et les effets néfastes à long terme pour l'influence américaine (dont les organismes, innocents comme coupables, sont maintenant systématiquement surveillés/expulsés). Cela n'empêche apparemment pas l'amie Nuland de fantasmer un nouveau Maïdan plus à l'est.

Ces inepties infantiles ont au moins un mérite : montrer que la politique impériale ne changera jamais vis-à-vis de Moscou.

De fait, rien n'a changé et, à peine deux mois après l'intronisation de Biden, l'Ukraine est repartie pour un tour. Et comme aux plus belles heures des manoeuvres impériales, la presstituée participe activement à la mise en condition, poussant des cris d'orfraie devant le déploiement de l'armée russe à la frontière, oubliant juste au passage, sans doute par inadvertance, que Moscou ne fait que répondre à l'envoi massif de renforts par Kiev il y a trois semaines.

Tout était donc déjà manigancé début mars et il ne faut pas être grand clerc pour le savoir. Ni pour en comprendre les raisons, d'ailleurs, tant les objectifs sont transparents...

Localement, l'Ukraine est en pleine crise, constitutionnelle cette fois, sur fond de lutte anti-corruption. Pour ne rien arranger, Zélensky, en délicatesse dans les sondages, se retrouve pris entre l'enclume de l'opposition pro-russe et le marteau ukronazi.

Ajoutons un zeste de sanctions du parrain US contre Kolomoiski, mentor du président, arrosons le tout d'une pincée gazière fort malvenue pour Kiev (l'or bleu russe à destination des Balkans passe désormais par le Turk Stream : adieu les royalties), et l'on comprendra que le pauvre Zelensky se retrouve dans une position bien inconfortable. Quelle meilleure façon d'en sortir qu'une brusque (et téléphonée) flambée de tension dans le Donbass ?

Ca tombe bien, le washingtonistan ne rêve que de ça. Un réchauffement du conflit permettrait aux stratèges américains de reprendre l'initiative sur deux dossiers. Le premier ne surprendra personne, il s'agit de la telenovela de la décennie, saga haute en couleurs où tous les coups, tordus si possible, sont permis : Mesdames et Messieurs, veuillez accueillir comme il se doit la star incontestée de la scène baltique, le Nord Stream II.

A ce propos, à peine avions-nous publié ceci...

On croyait avoir tout vu : drone sous-marin bourré d'explosifs, batailles juridiques homériques, farces empoisonnées à répétition (2018 et 2020), fondations écologico-gazières (!) qui s'en mêlent, déchirement de l'OTAN, atomisation de la classe politique allemande, sanctions d'un tel byzantinisme que même leur promoteur commence à s'y perdre, exercices navals menaçants, permis maritimes fantômes...

Mais la tragi-comédie baltique ne s'arrête jamais et nous avons assisté à une nouvelle péripétie digne d'un opéra bouffe. Varsovie vient en effet de piquer une crise de nerfs et a lancé une enquête sur deux bateaux allemands participant aux travaux. Détail absolument croustillant et qui ravira les amateurs de vaudeville, ces bâtiments sont enregistrés... en Pologne !

... que nous apprenions un énième rebondissement d'un feuilleton qui ne les compte même plus. De nombreuses provocations, certaines très récentes, ont eu lieu dans la zone du pipeline : avions militaires polonais en survol, bâtiments de guerre en virée, sous-marin en flânerie près de l'ancre d'un navire poseur de tubes et même bâteau de pêche qui, volontairement ou non, décide de faire du rentre-dedans.

Varsovie a beau nier, les faits semblent assez indiscutables. Pour l'instant, nous en restons au stade de l'agacerie et de la bravade, mais qui sait où les menées impériales peuvent conduire, d'autant que le poids gazier du Heartland sur le Vieux continent ne fera qu'augmenter avec les années. Les prochaines semaines risquent d'être assez chaudes dans cette mer glaciale...

Il est un autre dossier où les petits génies de Washington pourraient utiliser l'indignation médiatique, feinte et préparée en amont comme nous l'avons vu, suite à un regain de tension dans le Donbass : le vaccin. La géopolitique covidienne bat en effet son plein, comme nous l'expliquions il y a trois mois :

Dans la grande bataille du soft power entre les trois grands, un nouveau venu a fait son apparition : le vaccin. Nous ne nous engagerons pas dans un débat sur le mérite (ou le démérite) de tel ou tel, mais sur les conséquences géopolitiques de ces petits sérums.

La presstituée a d'ailleurs vite compris le danger. Dans un article halluciné, l'inénarrable Washington Post nous met en garde contre le Spoutnik V et la perfide propagande kremlinesque qui l'accompagne. Il est vrai que le gaillard attire :

Une cinquantaine de pays ont déjà pré-commandé le vaccin russe ; l'un des plus grands hôpitaux israéliens a balayé d'un revers de main les critiques occidentales et vient de commander 1,5 million de doses ; quant à l'Argentine, n'arrivant pas à sortir des affres de la pandémie, elle a décidé de ne pas faire les choses à moitié : 25 millions de doses spoutnikiennes devraient arriver dans les trois prochains mois pour vacciner toute la population. La Hongrie a logiquement suivi la même voie et regardé du côté de Moscou, ce qui a comme de bien entendu provoqué les cris d'orfraie de nos plumitifs.

Il attire d'autant plus que l'euronouillerie n'en finit pas de se noyer dans ses casseroles coronavirales, le fiasco AstraZeneca n'étant pas fait pour arranger les choses. Il y a belle lurette que les éternels dindons européens n'affichent plus l'air goguenard qu'ils avaient face au Spoutnik :

« Sept mois plus tard, les moqueries sont finies. Relativement peu coûteux, plus facile à conserver et à transporter que d'autres, le vaccin russe affiche des performances insolentes: une efficacité à plus de 91,6% contre les formes symptomatiques du Covid-19, et à peine moins pour les variants, selon les conclusions de la prestigieuse revue The Lancet. Ce qui le place dans le peloton de tête mondial. »

Bien sûr, notre chère MSN ne pouvait accepter benoîtement la chose sans y mettre tout de même son quota de fiel, et la BBC nous informe sans rire que le vaccin russe est passé directement de l'état de fumisterie à celui d'« instrument d'influence de Poutine sur le monde ». Evidemment, il fallait y penser...

Il n'empêche, derrière ces enfantillages journalistiques, le succès du Spoutnik est réel. La dernière "victime" en date prête d'ailleurs à sourire : la Libye du gouvernement pro-turc, celui-là même qui, il y a quelques mois encore, combattait les mercenaires russes du général Haftar !

Quant aux euronouilles, ils restent désespérément fidèles au rôle qui a fait leur célébrité : hésitation et impuissance. Perdus dans les méandres de leur vassalité et de leurs névroses, ils se déchirent au grand jour. La Communauté de Madrid veut commander des doses russes mais le gouvernement espagnol veut l'en empêcher, au nom de la « solidarité européenne ». Idem pour la ville de Nice en France ou plusieurs régions italiennes.

Les Grecs se divisent, la Slovaquie a traversé une crise ministérielle, l'Autriche veut jouer solo, suivant l'exemple déjà ancien d'Orban en Hongrie, et même l'Allemagne s'y met doucement. Pendant ce temps, le capitaine de pédalo élyséen et son équipe de bras cassés restent droits dans leurs boots de G.I. et disent niet, trop occupés sans doute à organiser leurs dîners clandestins...

Si certains font dans l'humour - « La diplomatie des vaccins de la Russie cherche clairement à saper la confiance mutuelle et la cohésion en Europe » - en inversant la cause et la conséquence, il est clair que le Spoutnik devient, après le S-400 et le Nord Stream, une nouvelle pomme de discorde russe jetée sur la table du banquet impérial.

Une relance du conflit dans l'Est ukrainien serait peut-être l'occasion pour l'amphitryon de recadrer les convives et de les forcer à se rasseoir. A suivre...

 

Tag(s) : #Ukraine, #Russie, #Etats-Unis, #Europe, #Gaz

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