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Si 2016 fut l'année du détricotage du système impérial, la cuvée 2018 voit ce qu'il en reste - le noyau dur : Deep State et ses affidés - se compresser afin de résister au vent inévitable de la multipolarité. Sans surprise, c'est contre la Russie, Heartland eurasien, que se portent tous les efforts.

Depuis plusieurs jours, la presstituée européenne noyautée par la CIA - comme le rappelait le regretté Udo Ulfkotte - se lâche comme à ses plus grands jours sur l'affaire Skripal. Le méchant Poutine égorge empoisonne nos femmes et nos enfants jusque dans nos sillons... Péril russe... Aux armes...

Sur l'affaire elle-même, il est beaucoup trop tôt pour en parler. Un agent double liquidé (chose courante dans le milieu du renseignement) ou une provocation d'une tierce partie afin de faire porter le chapeau aux Russes (pratique également courante ces dernières années). Il n'y a guère que les dirigeants occidentaux pour accuser d'abord, enquêter ensuite. A ce titre, la givrée du 10 Downing Street est dans la droite ligne des toutous européens de Barack à frites - Cameron, Flamby & Co -, ce qui n'a pas eu l'heur de plaire au chef de l'opposition britannique qui a appelé à un peu plus de responsabilité.

Pourquoi cette sortie aussi soudaine que brusque de Londres ? Elle est sans doute à mettre en parallèle avec certaines frayeurs bien actuelles de l'empire. Notons d'abord, ô douce coïncidence, que cette affaire amplifiée par le tam tam médiatique éclate au moment même où une enquête du Congrès US, à dominante républicaine il est vrai et dont la conclusion a été réfutée par les Démocrates, conclut à l'absence d'ingérence russe dans les élections de 2016. De cela, notre presse éminemment libre n'en a évidemment pipé mot...

Autre coïncidence troublante, le présent psychodrame sort opportunément alors que l'hystérie des officines grimpe à mesure que la Ghouta "rebelle" se noie. Un prochain false flag chimique ne serait d'ailleurs pas impossible. Dans ces conditions, préparer le terrain et travailler l'opinion publique avec la rocambolesque affaire Skripal peut avoir son utilité. Une antienne du genre : Regardez, les Russes sont un danger chimique ambulant, à Londres comme en Syrie...

Mais il s'agit peut-être et surtout de gaz. Alors que Gazprom vient de battre dix jours de suite son record d'exportation quotidienne vers l'Europe, l'affaire tombe à point nommé afin de barrer la route au Nord Stream II. Est-ce bien un hasard si mère Theresa de Londres a, immédiatement et pour le plus grand bonheur de Washington DC, embrayé sur le "danger du gaz russe" (lol) et la "nécessité de trouver des sources d'approvisionnement alternatives" ?

Le message n'est pas tant à destination domestique - même si le Royaume-Uni manque cruellement de gaz et que le GNL russe commence à arriver sur le marché britannique, les importations d'or bleu en provenance de Russie restent minimes - qu'extérieure. Les atlantistes de Bruxelles, Varsovie ou Vilnius pourront éventuellement se sentir encouragés dans leur opposition au gazoduc baltique face à Berlin et aux réalités économiques lourdes. Il sera en tout cas intéressant de voir le prochain round de discussions des euronouilles à propos du Nord Stream II...

De l'autre côté de l'Atlantique, la névrose du système impérial atteint des sommets. Comme nous l'avons expliqué plusieurs fois, ayant perdu la Maison Blanche avec l'élection du Donald, c'est au Sénat que le Deep State s'est réfugié.

Or c'est de l'auguste assemblée que vient de nous parvenir une information qui laisse rêveur. Un groupe de sénateurs a, sous des prétextes spécieux, menacé la Russie de sanctions supplémentaires si celle-ci s'entête à vendre... ses S-400 ! Et pour bien faire, les éventuels acheteurs également. Vous avez bien lu : cela doit être la première fois dans l'histoire qu'un pays serait sanctionné pour avoir vendu ou acheté des armes défensives...

Si ces sénateurs n'ont pas reçu leurs ordres directement du Pentagone, ça y ressemble comme deux gouttes d'eau. Car derrière cette invraisemblable tentative d'intimidation, qui fera évidemment rire de Moscou à Vladivostok, c'est toute la panique de l'appareil militaire américain qui ressort.

Nous avions expliqué le désarroi otanien il y a deux ans :

Tout amateur de rugby sait que le noble sport marche par phase : à certaines époques, les attaques prennent le pas sur les défenses ; à d'autres, c'est l'inverse. Au rugby-champagne des années 90, les entraîneurs de ce jeu infini et complexe ont répondu par la mise en place de systèmes défensifs très élaborés. Il en est de même dans l'éternelle course-poursuite de l'armement entre l'attaque (aviation, missiles) et la défense (systèmes anti-aérien et anti-missiles). Amusante coïncidence, les périodes sont relativement similaires.

Les années 90 ont marqué l'apogée de l'attaque, du pouvoir absolu des airs. Durant la première guerre du Golfe (1991), les avions furtifs et missiles américains sont entrés comme dans du beurre irakien ; la guerre du Kosovo (1999) a, pour la première (et dernière ?) fois de l'histoire, vu la victoire de la seule aviation, sans hommes à terre. Cette "dictature du ciel" a provoqué, plus qu'une prise de conscience, une véritable révolution mentale dans les principaux états-major de la planète.

Les Russes ont été les premiers à relever le défi avec la création et la fabrication de systèmes anti-aérien et anti-missiles extrêmement performants : les fameux S300 puis S400 :

"En Syrie, ce système, doté de 48 missiles et capable de poursuivre jusqu’à 80 cibles, interdisait toute approche inférieure à 400 km de sa position."

Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, les labos russes mettent la dernière touche aux S500, capables d'intercepter simultanément jusqu'à 10 missiles balistiques ou hypersoniques volant à Mach 5, et dont le temps de réaction sera de 4 secondes (contre 10 pour le S-400 et... 90 secondes pour l'antique Patriot américain !) On comprend dans ces conditions que l'OTAN soit "préoccupée"... Car, avec les S300 et S400, le bras armé US fait déjà face à ce que les analystes appellent des "bulles de déni" :

Face à la réalité des systèmes défensifs (S-300 et S-400) et offensifs (sous-marins, missiles balistiques et de croisière) d’origine russe, la question du déni d’accès est désormais l’objet de toutes les attentions, en France, aux Etats-Unis comme à l’Otan. Elle a récemment fait l’objet d’une conférence au Collège de défense de l’Otan et devrait figurer à l’ordre du jour de la prochaine ministérielle de l’Alliance des 15 et 16 juin.

Au comité militaire de l’Otan, on a pris conscience de la vulnérabilité des forces aériennes de l’Alliance en cas de conflit avec Moscou. Et pas seulement. Car les Occidentaux pourraient aussi perdre leur supériorité aérienne en temps de paix, la présence de ces dispositifs d’anti-accès étant, par exemple, susceptible de gêner considérablement le déploiement de moyens d’urgence en Europe de l’Est, tels que ceux préconisés par les Américains. En réduisant la liberté d’action des Alliés sur leur propre zone de responsabilité, le déni d’accès russe deviendrait alors aussi déni d’action à même de contraindre la décision politique. (...) Jamais, depuis la fin de la Guerre froide, l’Otan n’avait été confrontée à des environnements “non-permissifs”.

«Les Russes ne font plus rire», note un observateur, d’autant que leurs systèmes antiaériens, que certains pensaient inefficients, disposent en réalité d’algorithmes très avancés. Qu’il s’agisse du S-300 ou du S-400, ces systèmes complexes utilisent plusieurs types de radars fonctionnant sur différentes fréquences. Ils sont mobiles et disposent d’une maintenance autonome. (...)

Pire : les Russes travaillent à la mise en réseau de leurs dispositifs, afin de mettre en place un système de systèmes intégrés qui leur permettra de gérer plusieurs bulles d’A2/AD en même temps à partir d’un QG unique, voire d’établir des communications entre les différentes bulles pour en créer de plus grosses couvrant de vastes territoires.

Ce sont ces bulles de déni qui horripilent l'état-major US, incapable désormais de s'assurer la maîtrise du ciel. On l'a vu en Syrie comme nous le montrions déjà fin 2015 :

La zone d'exclusion aérienne manigancée par la bande turco-américaine s'est du jour au lendemain transformée en no fly zone russe, au grand dam de l'OTAN qui couine sur la véritable "bulle russe" qui se met en place au-dessus de la Syrie. Le système anti-aérien air-terre-mer n'est d'ailleurs qu'une partie de ce dispositif d'un genre nouveau et qui désespère le Pentagone. Les Russes ont débarqué avec de très sophistiqués systèmes électroniques de brouillage ou de détection qui analysent et paralysent tout, rendant ses avions invisibles ou les communications otaniennes ineffectives. C'est par exemple ce qui a permis aux bombardiers russes d'arriver incognito en Syrie ou à Assad d'aller tranquillement trinquer au Kremlin. Les généraux US en sont muets de stupeur.

Désormais, une mouche qui vole à Alep ou Palmyre sera repérée à Lattaquié. Et dire qu'il y a quelques mois encore, le couple américano-turc mettait au point un projet de domination des airs au-dessus de la Syrie... Erdogan en a avalé son loukoum de travers. Les Sukhois sont maîtres absolus du ciel syrien et continuent leurs bombardements des terroristes modérés chers à l'Occident (...)

C'est évidemment sous ce jour qu'il convient de replacer la saugrenue menace du Sénat US, dernier bastion de l'ordre impérial.

Tag(s) : #Europe, #Etats-Unis, #Russie, #Gaz

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