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Après quelques semaines de calme tout relatif, le Syrak bouillonne à nouveau, tant sur les différents fronts que dans les coulisses :

Les forces irakiennes ont repris leur mouvement pour libérer Mossoul, déjà isolée de ses arrières syriens depuis début décembre. Le saucissonnage continue, une milice chiite ayant coupé la route entre Mossoul et Tal Afar, ville à population turkmène qui avait fourni d'importants cadres à l'Etat Islamique et qui avait été le prétexte d'un énième coup de menton sultanesque en novembre.

Désormais, Mossoul est quasiment encerclée et la bataille a commencé, malgré la résistance et l'indéniable professionnalisme des petits hommes en noir - témoin, cette attaque de drone millimétrée. L'aéroport international a été pris par l'armée qui commence à avancer vers le gros morceau, la partie occidentale de la ville :

Un peu plus au nord-est, dans les monts Kandil, l'aviation turque a bombardé un QG du PKK dont les bases arrières sont situées au Kurdistan irakien. Rien que de très habituel... Plus étonnant par contre, Bagdad a, en coordination avec Damas, autorisé des bombardements de Daech en territoire syrien. Arc chiite is back !

C'est d'ailleurs un point que, mis à part ce blog, tout le monde oublie lorsque l'on évoque l'après-EI en Syrie. L'on parle de la future occupation des Kurdes voire des Turcs (illusoire) sur les vestiges du califat, mais l'on omet toujours l'Irak. Pourtant, plusieurs milices chiites irakiennes combattent déjà aux côtés de l'armée syrienne. Surtout, les chefs de ces groupes et même des officiels de Bagdad ont répété qu'une fois l'Irak libéré, les milices passeraient en Syrie - à l'invitation d'Assad - pour annihiler Daech, marchant d'abord sur Deir ez Zoor.

La course pour la ville de l'est syrien se profile donc, les YPG kurdes avançant dans la province afin de couper les routes d'approvisionnement de Raqqa, la capitale califale. Si Deir ez Zoor n'est sans doute pas l'objectif premier des YPG, un futur clash entre chiites irakiens et Kurdes syriens n'est soudain plus tout à fait impossible...

Un conflit potentiel de plus à rajouter à une liste déjà longue, tout droit sortis de la boîte de Pandore syrakienne... Nous n'en sommes pas encore là, les Kurdes se concentrant (pour l'instant ?) sur Raqqa, n'en étant plus qu'à quelques kilomètres :

Bien sûr, approcher d'une ville ne signifie pas la prendre ; Alep (armée syrienne vs Al Qaeda & Co), Mossoul (armée irakienne vs EI), Al Bab (armée turque et ASL vs EI) ou Manbij (Kurdes vs EI) sont là pour démontrer que, quelque soit l'assaillant, le combat urbain peut durer de très longs mois. Sans même parler de Deir ez Zoor où l'armée syrienne assiégée résiste depuis des années à Daech, malgré les "erreurs involontaires" du Pentagone...

Et maintenant, la question à un million : pour qui roulent les Kurdes ? La réponse est tout sauf aisée. Pour eux-mêmes, les Américains (mais lesquels : Trump ou le parti de la guerre), les Russes ? Sans doute tout cela à la fois... Une chose est sûre : l'avance kurde n'est bien vue ni à Ankara (c'est une lapalissade), ni à Riyad ni à Damas (quoique dans des proportions difficiles à évaluer dans ce dernier cas).

Pour compliquer encore les choses, l'inévitable MacCarthy McCain s'est fendu d'une petite visite "secrète" au Kurdistan syrien via la Turquie et il a, au retour, rencontré Erdogan. La contradiction est déjà frappante. Mais cela devient surréaliste quand son compère Follamour, le sénateur Lindsay Graham, affirme que les Kurdes ne seront jamais acceptés à Raqqa (ce qui n'est pas faux) et qu'il convient de les remplacer au moins partiellement par des forces turques ou pro-turques ! Est-il devenu gâteux au point de penser que les Kurdes laisseront passer sans coup férir leur pire ennemi via leur territoire ? Car il s'agit de la seule voie possible, l'autre, celle partant d'Al Bab, relevant du parcours du combattant.

En attendant des éclaircissements sur ces arabesques d'intox - n'oublions pas que le plan pour prendre Raqqa doit être remis par le Pentagone à Trump le 28 février, chacun faisant en attendant monter les enchères -, voyons justement ce qui se passe un peu plus à l'ouest. Après des mois d'humiliations, les Turcs et l'ASL ont enfin pris Al Bab. Il semble qu'il s'agisse d'un retrait pur et simple de l'Etat Islamique (accord secret passé avec Ankara ?) mais les petits hommes en noir ont laissé quelques voitures piégées fauchant des dizaines de rebelles "modérés" ainsi que deux autres soldats turcs.

On le voit, la route vers Raqqa est illusoire, serpentant entre l'armée syrienne (en rouge) et les Kurdes (en jaune). Il semble d'ailleurs qu'un accord ait été trouvé et que les Turcs n'iront pas plus loin mais, pour assurer le coup, les forces loyalistes prennent village sur village pour faire jonction (flèche rouge) avec le territoire sous domination kurde, coupant définitivement l'herbe sous le pied à toute tentation turque. De son côté, Damas a également sèchement averti Ankara.   .

Dans ces conditions, comment comprendre les déclarations rêveuses d'Erdogan : préparation d'une guerre contre les Kurdes syriens pour reprendre Manbij ou, plus sûrement, nouvelles rodomontades ? Toujours est-il que la girouette sultanesque commence à fatiguer tout son monde...

Une question demeure : que feront les rebelles modérément modérés de l'ASL accompagnant l'armée turque si la campagne militaire est terminée ? Retourneront-ils dans l'Idlibistan via le territoire turc ? Si oui, avec ou sans l'accord de Poutine ? Sans qu'il n'y ait de pièce ajoutée au dossier, l'on sent dans l'air du temps comme un parfum de rafraîchissement entre Moscou et Ankara. La rencontre début mars entre le tsar et le sultan vaudra son pesant d'or.

Puisque l'on parle d'Idlib, comme prévu, la situation reste toujours aussi tendue entre barbus et les exécutions sommaires de prisonniers sont monnaie courante. Ces dernières semaines, des centaines de djihadistes sont morts avec l'apparition d'un nouveau groupe, lié à l'EI. Damas et Moscou espèrent sans doute laisser la situation pourrir avant d'engager la reconquête de la dernière province rebelle. En attendant, le facétieux Vladimir provoque le système impérial en proposant aux Occidentaux de payer la reconstruction de la Syrie !

Enfin, plus au sud, avec l'appui de l'aviation russe, l'armée syrienne regagne du terrain vers Palmyre et l'antique cité est de nouveau en vue. Si le verrou tombe et qu'une débandade daéchique s'ensuit, la route vers Deir ez Zoor est ouverte.

Tag(s) : #Moyen-Orient

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