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S-300, 400, 500...

Tout amateur de rugby sait que le noble sport marche par phase : à certaines époques, les attaques prennent le pas sur les défenses ; à d'autres, c'est l'inverse. Au rugby-champagne des années 90, les entraîneurs de ce jeu infini et complexe ont répondu par la mise en place de systèmes défensifs très élaborés. Il en est de même dans l'éternelle course-poursuite de l'armement entre l'attaque (aviation, missiles) et la défense (systèmes anti-aérien et anti-missiles). Amusante coïncidence, les périodes sont relativement similaires.

Les années 90 ont marqué l'apogée de l'attaque, du pouvoir absolu des airs. Durant la première guerre du Golfe (1991), les avions furtifs et missiles américains sont entrés comme dans du beurre irakien ; la guerre du Kosovo (1999) a, pour la première (et dernière ?) fois de l'histoire, vu la victoire de la seule aviation, sans hommes à terre. Cette "dictature du ciel" a provoqué, plus qu'une prise de conscience, une véritable révolution mentale dans les principaux états-major de la planète.

Les Russes ont été les premiers à relever le défi avec la création et la fabrication de systèmes anti-aérien et anti-missiles extrêmement performants : les fameux S300 puis S400 :

"En Syrie, ce système, doté de 48 missiles et capable de poursuivre jusqu’à 80 cibles, interdisait toute approche inférieure à 400 km de sa position."

Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, les labos russes mettent la dernière touche aux S500, capables d'intercepter simultanément jusqu'à 10 missiles balistiques ou hypersoniques volant à Mach 5, et dont le temps de réaction sera de 4 secondes (contre 10 pour le S-400 et... 90 secondes pour l'antique Patriot américain !) On comprend dans ces conditions que l'OTAN soit "préoccupée"... Car, avec les S300 et S400, le bras armé US fait déjà face à ce que les analystes appellent des "bulles de déni" :

Face à la réalité des systèmes défensifs (S-300 et S-400) et offensifs (sous-marins, missiles balistiques et de croisière) d’origine russe, la question du déni d’accès est désormais l’objet de toutes les attentions, en France, aux Etats-Unis comme à l’Otan. Elle a récemment fait l’objet d’une conférence au Collège de défense de l’Otan et devrait figurer à l’ordre du jour de la prochaine ministérielle de l’Alliance des 15 et 16 juin.

Au comité militaire de l’Otan, on a pris conscience de la vulnérabilité des forces aériennes de l’Alliance en cas de conflit avec Moscou. Et pas seulement. Car les Occidentaux pourraient aussi perdre leur supériorité aérienne en temps de paix, la présence de ces dispositifs d’anti-accès étant, par exemple, susceptible de gêner considérablement le déploiement de moyens d’urgence en Europe de l’Est, tels que ceux préconisés par les Américains. En réduisant la liberté d’action des Alliés sur leur propre zone de responsabilité, le déni d’accès russe deviendrait alors aussi déni d’action à même de contraindre la décision politique. (...) Jamais, depuis la fin de la Guerre froide, l’Otan n’avait été confrontée à des environnements “non-permissifs”.

«Les Russes ne font plus rire», note un observateur, d’autant que leurs systèmes antiaériens, que certains pensaient inefficients, disposent en réalité d’algorithmes très avancés. Qu’il s’agisse du S-300 ou du S-400, ces systèmes complexes utilisent plusieurs types de radars fonctionnant sur différentes fréquences. Ils sont mobiles et disposent d’une maintenance autonome. (...)

Pire : les Russes travaillent à la mise en réseau de leurs dispositifs, afin de mettre en place un système de systèmes intégrés qui leur permettra de gérer plusieurs bulles d’A2/AD en même temps à partir d’un QG unique, voire d’établir des communications entre les différentes bulles pour en créer de plus grosses couvrant de vastes territoires.

Alors imaginez avec les S500...

S-300, 400, 500...

Ces questions ne nous intéresseraient somme toute que modérément si elles n'avaient d'importantes incidences géopolitiques et ne participaient du Grand jeu.

Moscou a doté ses deux partenaires du triangle eurasien de ces systèmes perfectionnés. Après la levée de l'embargo à destination de l'Iran, les premiers S300 sont déjà arrivés à Téhéran, réduisant à peu près à néant tout risque de guerre future irano-américaine :

Quant à la Chine, elle vient d'avancer le paiement et devrait recevoir ses S400 début 2017, sanctuarisant son territoire à un moment où les tensions avec les Etats-Unis s'exacerbent en mer de Chine méridionale et dans la péninsule coréenne.

Le triangle se mue même en carré d'as avec la fourniture de S400 au vieil allié indien. Que le contrait ait été signé ou pas encore importe peu : New Delhi recevra sa part du gâteau pour fêter en fanfare son entrée dans le mouvement qui ne cesse de monter, l'Organisation de Coopération de Shanghai.

Pour Moscou, c'est doublement bénéfique : apaisement des rivalités (notamment sino-indiennes) de ses alliés par la fourniture d'armements sophistiqués qui fait entrer des écus sonnants et trébuchants dans les caisses. Quant aux Américains, quelques années après avoir vu s'effondrer leurs rêves d'établir une présence continue au coeur de l'Eurasie afin de la maintenir divisée, ils voient maintenant avec horreur des pans de plus en plus importants du continent-monde échapper à leur menace potentielle.

Tag(s) : #Russie, #Chine, #Sous-continent indien, #Moyen-Orient, #Etats-Unis

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