La grande guerre du pétrole engagée début mars commence à sérieusement démoraliser le secteur du schiste américain et les autorités impériales qui, dans un contexte encore compliqué par la pandémie mondiale, tentent de le sauver afin d'éviter une cascade de faillites oléo-financières.
Victoria Coates. Retenez bien ce nom car il n'est pas impossible qu'il revienne sous les feux de l'actualité dans les semaines ou les mois à venir. Collaboratrice de Trump à la Maison Blanche sur les questions moyen-orientales, elle vient d'être nommée Envoyée spéciale à l'énergie en Arabie saoudite, un poste créé sur mesure. Son but : "convaincre" les Saoudiens de fermer les vannes afin de faire remonter les cours du brut qui, en l'état actuel, menacent de ruiner tout un pan de l'industrie pétrolière US.
L'accablement a en effet gagné les esprits fébriles de Washington qui multiplient les tentatives pour stopper l’hémorragie. Nous en donnions un exemple il y a une vingtaine de jours :
L'administration du Donald a tout de suite pris la mesure du danger. Douce coïncidence, le secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin, s'est précipité pour rencontrer au débotté l'ambassadeur russe aux Etats-Unis, plaidant pour un "marché énergétique organisé" (décodeur : ne faites pas baisser les prix, vous allez ruiner nos compagnies). Ô ironie, des "possibilités de commercer et d'investir" ont été évoquées. Tiens, les sanctions sont passées de mode à Washington ?
Tout cela semble en tout cas confirmer en creux ce que nous disions : Moscou a décidé de lancer une contre-attaque d'envergure contre l'empire pour toutes les avanies subies ces dernières années (blocage du Nord Stream II, sanctions, Syrie). Et il faudra plus que de vagues promesses pour ramener l'ours à de meilleurs sentiments.
Apparemment, ça n'a justement pas dépassé le stade des promesses car l'ouverture américaine semble être tombée dans l'oreille d'un sourd du côté de Moscou. Aussi, les efforts se sont, depuis, tournés vers le royaume des Seoud comme nous le rapportions la semaine dernière :
L'or noir n'en finit pas de dégringoler et le schiste américain est au bord du gouffre ou, comme le dit poétiquement un analyste de Forbes, « se noie dans le sang et les larmes ». des coupes claires dans les investissements et les budgets ont déjà commencé et ce n'est que le début...
Les critiques de l'establishment oléo-impérial pleuvent depuis quelques jours mais, chose, intéressante, elles ne s'adressent pas à la Russie, pourtant au départ du mouvement ; c'est l'Arabie saoudite qui est dans le viseur. Treize sénateurs Républicains ont même pris leur plume pour écrire au Seoud, lui demandant de revenir sur sa décision. A lire entre les lignes, on se demande même s'il n'y aurait pas un soupçon de menace :
En savoir plus sur RT France : https://francais.rt.com/france/72681-agnes-buzyn-declare-avoir-quitte-ministere-sachant-elections-auraient-pas-lieu-coronavirus
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« Les leaders saoudiens nous ont répété à plusieurs reprises que le royaume d'Arabie saoudite était une force de stabilité sur le marché mondial. Les récentes décisions saoudiennes ont remis en cause ce rôle. Nous exhortons le royaume à assurer un leadership constructif pour stabiliser l'économie mondiale en apaisant l'inquiétude dans le secteur pétrolier et gazier. »
Doublant la mise, Washington envoie maintenant dame Victoria à Riyad (dont la prise de fonction sera cependant retardée par le coronavirus) tandis que Pompeo commence ses séances de persuasion vis-à-vis de MBS. Menaces de l'aigle au chameau ou, au contraire, entente entre les deux contre l'ours : on ne le sait pas encore. Une chose semble certaine et nous l'avons dit à plusieurs reprises : il est vraisemblable que Riyad flanchera avant Moscou.
D'autant plus que, pied de nez des lois de l'économie, la Russie engrange paradoxalement certains bénéfices grâce à la chute des cours du naphte qui compensent en partie ses pertes par ailleurs. Ce tour de magie se résume en un mot : le rouble.
La monnaie russe est en effet soumise au régime de changes flottants sur les marchés financiers et suit de très près le prix du pétrole. Logiquement, la récente dégringolade du pétrole s'est accompagnée d'une dégringolade du rouble :
Or, les coûts de production des compagnies russes sont en roubles. Un rouble qui chute, ce sont donc des coûts de production qui chutent aussi si on les établit en dollars. Le géant Rosneft dépense 199 roubles pour chaque baril extrait. Début mars, avant le tsunami, cela équivalait à 3,10 $. Ca ne représente plus maintenant que 2,50 $ ! Les marges sont plus importantes et compensent partiellement la chute des cours.
Rien de tel en Arabie saoudite où le taux de change du rial est fixe et lié au billet vert. Le coût d'extraction (2,80 $ en l'occurrence) reste donc le même quel que soit l'évolution du cours de l'or noir. Aramco, qui se targuait d'avoir les coûts les plus faibles du monde, vient de se faire damer le pion par Rosneft. Dans cette lutte de titans pétroliers, c'est une victoire symbolique pour Moscou...