Il y a deux mois, après le sommet de la Caspienne à Aktau, nous nous interrogions sur le fameux gazoduc transcaspien (TCP) censé transporter l'or bleu turkmène vers l'Azerbaïdjan, donc la Turquie et l'Europe :
Pourquoi les Russes ont-ils soudain accepté ? (...) Une officine impériale bien connue des spécialistes s'interroge sur le retournement de Moscou. Parmi les diverses raisons évoquées, la construction du pipe sera difficile, notamment financièrement ; elle prendra du temps et vient trop tard alors que les tubes russes sont déjà lancés (Turk Stream) ou en voie de l'être (Nord Stream II) ; Poutine tente ainsi d'amadouer l'UE pour débloquer les dernières résistances au Nord Stream II ; Gazprom pourra de toute façon tuer dans l'oeuf le TCP en reprenant ses achats de gaz turkmène.
La stratégie du géant russe n'est en effet pas étrangère au fidèle lecteur :
Afin de déjouer les plans de l'empire et ne pas perdre ses parts de marché européen, Gazprom avait pris l'habitude d'acheter d'importantes quantités de gaz turkmène. Mais à mesure que les routes soutenues par Washington (pipeline transcaspien et TAPI) se révélaient de plus en plus illusoires et que l'or bleu d'Achgabat prenait le chemin de la Chine, Gazprom a peu à peu réduit ses achats qui approchent maintenant du 0 absolu.
Bingo ! On a appris il y a quelques jours que Gazprom devrait très vite reprendre ses achats de gaz turkmène :
Le russe Gazprom devrait reprendre à partir de début 2019 les importations de gaz en provenance du Turkménistan, qu'il avait arrêtées en 2016, a annoncé mardi son patron lors d'une visite dans la capitale turkmène. "Nous parlons d'une reprise des achats de gaz turkmène par Gazprom dans un futur très proche, à partir du 1er janvier 2019", a indiqué M. Miller en soulignant que les détails du nouvel accord allaient bientôt être finalisés.
En 2015, Gazprom avait décidé de limiter ses volumes d'achats de gaz turkmène à 4 milliards de m3 par an alors qu'ils s'élevaient à 10 milliards de m3 par an depuis 2010. Un arrêt total des importations est ensuite intervenu au début de l'année 2016 et a mis sous pression l'économie turkmène, qui dépend fortement des hydrocarbures.
La Russie était le principal partenaire du Turkménistan dans le secteur gazier avant qu'elle ne laisse place à la Chine et son entreprise China National Petroleum Corporation vers le début de la décennie. Les importations de gaz turkmène vers la Chine par le biais d'un gazoduc passant par l'Ouzbékistan et le Kazakhstan, financé par Pékin, se situent actuellement entre 30 et 40 milliards de m3 par an.
Le Turkménistan, qui possède la quatrième plus importante réserve de gaz au monde, exportait des volumes similaires vers la Russie avant qu'ils ne s'effondrent à la suite d'une mystérieuse explosion sur un gazoduc en 2009 et d'un différend sur les prix.
A peine les Russes lèvent-ils leur veto sur la construction du TCP qu'ils reprennent leurs importations de gaz turkmène, vidant de sa substance le gazoduc transcaspien. Malin comme un ours...