Dans la course à trois à laquelle se livrent Américains, Russes et Chinois dans le domaine de l'armement de pointe, Pékin a réussi le test d'un missile pouvant atteindre les Etats-Unis en trente minutes. Le DF-41 a un rayon d'action de 14 500 km et peut emporter six à dix ogives nucléaires, représentant une menace stratégique pour Washington.
Ceci est évidemment à mettre en relation avec les développements coréens de ces derniers mois et la mise en place, au prétexte par ailleurs bien réel du danger nord-coréen, d'un système anti-missile US en Corée du Sud, c'est-à-dire en bordure orientale de l'Eurasie. Rappelons ce que nous écrivions en octobre :
"Nous sommes évidemment en plein Grand jeu, qui voit la tentative de containment du Heartland eurasien par la puissance maritime américaine (...) Il s'agit avant tout pour le Heartland de briser l'encerclement US et de s'ouvrir des routes vers le Rimland et vers l'océan, exactement comme la Russie le fait sur la partie ouest de l'échiquier avec ses pipelines et ses alliances de revers (...)
La guerre froide entre les deux Corées ou entre Pékin et Taïwan sont évidemment du pain béni pour Washington, prétexte au maintien des bases américaines dans la région (...)
Pour les Etats-Unis, le sud du Rimland semble définitivement perdu (entrée de l'Inde et du Pakistan dans l'OCS, fiasco afghan), le Moyen-Orient tangue sérieusement (Syrie, Iran, Irak maintenant, voire Yémen). Restent les deux extrémités occidentale (Europe) et orientale (mers de Chine) de l'échiquier où l'empire maritime s'arc-boute afin de ne pas lâcher. La bataille pour l'Europe (noyautage des institutions européennes, putsch ukrainien, manigances balkaniques vs pipelines russes, routes de la Soie chinoises, soutien moscovite à l'anti-système) est en cours. A des milliers de kilomètres de là, en Orient, un conflit jumeau s'annonce dont nous assistons actuellement aux prémices..."
Et il y a deux mois :
"Séoul et Washington semblent en bonne voie pour s'accorder sur l'installation d'une ou plusieurs batteries anti-missiles THAAD sur le territoire sud-coréen, au grand dam de Pékin et même de Moscou. A croire que le petit père Kim travaille en réalité pour les Etats-Unis... Les multiples provocations de Pyongyang sont en effet du pain béni pour ces derniers. Pour les stratèges américains, la pire chose qui puisse arriver serait la chute du régime et la disparition de la menace nord-coréenne, remettant en question les bases US au Japon et en Corée du Sud (...)
Le THAAD a été conçu pour faire face à des missiles type Scud et non des missiles intercontinentaux : Pékin et Moscou devraient donc dormir sur leurs deux oreilles. Cependant, on connaît l'entrisme à l'américaine : on commence par un petit pas, puis un autre et un autre... L'ambiguïté du commentaire du responsable militaire sud-coréen laisse donc la porte ouverte à toutes les interprétations. Mais l'ambiguïté n'est-elle pas la marque de fabrique de ce passionnant Grand jeu ?
Guerre des nerfs en perspective et partie de poker menteur entre Pékin, Washington, Séoul et Moscou, avec pour trublion incontrôlable Pyongyang."
Avec son nouveau missile intercontinental, la Chine vient de placer une grosse blinde sur le tapis.