Jusqu'ici, le barnum de la vraie-fausse conflagration ukrainienne était pris avec un aimable et ironique scepticisme, y compris par votre serviteur. L'on assistait surtout à une pantomime comme le fait finement remarquer un observateur : « tout dans les dernières semaines a été chorégraphié, à la fois de la part des Russes et des Américains. »
Mais il n'a pas tort de préciser que « nous entrons maintenant en un temps où chaque danseur a du mal à anticiper le pas de l'autre. Et les conséquences pourraient être terribles. » D'autant que dans ce genre d'affaire existe toujours le risque que le local finisse par rattraper le global et le tirer par la manche. Et c'est précisément ce qui est en train de se passer si l'on en croit la brusque flambée de tensions dans l'Est du pays.
Un tel niveau d'attaques/bombardements sur la ligne de front n'a pas été atteint depuis 2015 tandis que des échanges "au plus près" ont déjà eu lieu (voir cette vidéo gopro d'un soldat ukrainien dont ce sera le dernier tournage...)
En tout, ce ne sont pas moins de 900 violations du cessez-le-feu que l'OSCE a enregistrées :
Et bien que Joe l'Indien assure sans rire que ce sont les républiques séparatistes qui violent le cessez-le-feu, un coup d’œil sur la carte montre bien que dans la majorité des cas, c'est du côté russophone de la ligne de démarcation que tombent les obus.
Autre mauvais signe : après s'être un temps calmée, notre bonne vieille presstituée reprend son cheval de bataille et recommence à désinformer grossièrement. Le moindre mur ukrainien détruit est l'objet de force flashs et lamentations, les destructions côté pro-russe sont purement et simplement ignorées. Les leviers de la guerre de l'info ont été actionnés et ce n'est sans doute pas gratuit...
Si l'armée ukie assure qu'aucune offensive n'est prévue par crainte de pertes civiles, Donetsk et Lougansk ont commencé à évacuer les femmes et les enfants vers le territoire russe, appelé tous les hommes de 17 à 55 à s'enrôler et annoncent que la guerre risque d'éclater incessamment.
La balle est maintenant dans le camp de Kiev et son respect ou non des accords de Minsk II. Signés en février 2015 (!), ils ne sont toujours pas appliqués par la partie ukrainienne, Zelensky ayant même déclaré il y a quelques jours qu'ils étaient trop défavorables.
Evidemment, il est dans un cul de sac : ouvrir des négociations avec les séparatistes lui vaudrait immédiatement l'opposition des nationalistes voire même un Maïdan-bis. Or l'on sait qu'il n'est déjà plus trop en odeur de sainteté dans le baby Deep State...
Sans aller jusqu'à dire que le Kremlin est dans un fauteuil - car la balance finale gains/pertes est difficile à évaluer dans ce jeu de roulette russe - il a le droit de son côté et tout le monde le sait. C'est d'ailleurs en substance ce qu'ont reconnu Macron et Scholtz quand ils sont allés à Kiev et fait pression sur Zelensky pour qu'il applique enfin ces accords. Sans résultat.
Si l'escalade actuelle mène à la guerre, quelle sera la réaction de Moscou ? C'est évidemment la question à un million quand on sait que l'une des lignes les plus rouges de Vladimirovitch concerne la sécurité du Donbass.
Entre l'ambassadeur russe en Suède qui déclare sans ambages « Nous n'en avons rien à foutre des sanctions occidentales » et Poutine expliquant que les sanctions s'ajoutent de toute façon les unes aux autres quel que soit le comportement de la Russie, l'ours semble bien décidé à ne plus reculer d'une griffe.
D'autant qu'il n'aura échappé à personne que lors de l'importante rencontre pré-olympique entre Xi et Poutine, Moscou a reçu pour la première fois un appui marqué de Pékin dans son bras de fer contre l'OTAN.
Fourniture de matériel/mercenaires aux séparatistes ? Intervention courte et clinique pour repousser les Ukies et permettre aux "Donetskiens" et "Louganskiens" de s'agrandir tout en imposant à Kiev un Minsk III ?
Si une grande invasion (dont on voit mal l'intérêt) n'existe vraisemblablement que dans la tête des spin doctors impériaux, une plus petite intervention n'est maintenant plus tout à fait à exclure. Cela permettrait aux Américains (qui ont pris soin d'évacuer leur personnel militaire soit dit en passant) de sauver la face - je vous l'avais bien dit, avantage narratif - et aux Russes d'engranger des avantages sur le terrain.
Grand perdant, évidemment : l'Ukraine. Mais n'est-ce pas son rôle depuis le début ?