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La décision parfaite

Décidément, Poutine fait parler de lui... Ses surprises géopolitiques, ses fulgurances stratégiques ne laissent pas d'étonner partisans comme adversaires. Sa décision de retirer une partie des forces russes de Syrie a été commentée d'Honolulu à Santiago et est généralement considérée comme un coup de maître, y compris - ô surprise - dans la presse occidentale du système. Pour les médias américains, par exemple, "Poutine a une nouvelle fois possédé Obama" ; c'est peut-être quelque peu exagéré mais il y a du vrai. Rarement aura-t-on vu une telle unanimité pour reconnaître le succès de l'intervention russe qui a, de fait, complètement inversé le cours de la guerre syrienne avec des moyens pourtant (presque) dérisoires et évité l'écueil de l'enlisement.

L'explication à ce retrait partiel, dont le timing est également loué par les observateurs, est finalement relativement simple et tient en deux grands paradigmes :

  • Poutine dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit

Dans un billet de novembre intitulé La technique du rhinocéros, nous écrivions :

"Faire la guerre pour dicter la paix. Cette maxime très XVIIème siècle est constitutive de la politique que Vladimir Poutine, westphalien dans l'âme, applique à la Syrie. Autant l'âme russe peut connaître de violentes sautes d'humeur quand il s'agit d'art, de révolution ou de fête, autant la pensée russe en matière de stratégie extérieure fait penser au rhinocéros, avançant lentement mais fermement, inexorablement, et finissant par mettre tout le monde d'accord.

La Syrie est un cas d'école. Que disait Moscou avant l'intervention ? Nous allons repousser les terroristes, rétablir le gouvernement légal et sauvegarder l'intégrité de la Syrie tout en favorisant un consensus national. Petit à petit, les pièces se mettent en place et c'est exactement ce à quoi nous commençons à assister, à la virgule près. Quel changement par rapport aux simagrées occidentales où les effets de communication font maintenant office de politique...

Un rhinocéros qui dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit, qui avance inexorablement, sans grandes annonces mais d'un pas sûr. D'accord ou pas, Américains, Saoudiens, Turcs, Français et Qataris vont devoir s'y plier..."

La cinquantaine d'avions n'était pas suffisante pour mener la guerre à la fois contre les terroristes "modérés" (qu'ils soient qaédistes, Ahrar al-chamistes ou autres) et contre Daech. L'intervention russe avait pour but de rétablir le gouvernement, saucissonner la rébellion et (re)créer les conditions favorables en Syrie utile pour récupérer en temps voulu l'est syrien aux main de l'EI. Maintenant que la donne a été bouleversée dans la partie occidentale du pays (il a fallu deux mois de plus que prévu) et que de vraies négociations de paix peuvent aboutir, les Russes réduisent leur présence militaire.

  • Moscou réduit la voilure mais ne part pas

C'est l'aspect le plus important. En réduisant la présence des forces russes, Poutine réduit leur exposition à tout incident et rassure son opinion publique toujours traumatisée par le bourbier afghan. Ce faisant, il donne en passant une belle petite claque à Obama qui prédisait avec force effets de manche "un enlisement russe en Syrie" (Barack à frites se retrouve encore une fois le bec dans l'eau). Le Kremlin impose aussi le tempo aux pourparlers de Genève et amadoue l'opposition. Bref, le timing est parfait. Sans compter, cerise pas si petite que ça sur le gâteau, la démonstration de l'efficacité de l'équipement militaire russe, bénéficiant aux ventes d'armement.

Tactiquement parlant, le retrait partiel ne change rien. Les combats dans l'ouest syrien, contre des groupes mobiles disséminés dans un mouchoir de poche, requéraient une réactivité très rapide (chasseurs, drones...) La guerre contre l'Etat Islamique ressemble à une guerre plus conventionnelle avec des positions établies, connues. Dans ce genre de combat, les missiles Kalibr tirés depuis la Caspienne ou la Méditerranée feront merveille, aidés par les bombardiers et les hélicoptères qui restent en Syrie. D'ailleurs, certains ont déjà été transférés vers la base d'Homs, plus proche du front contre Daech, et l'aviation russe vient de pilonner l'EI à Palmyre.

Sans compter que les bases, notamment la base permanente d'Hmeymim, sont prêtes à accueillir à tout moment le retour d'avions russes supplémentaires au cas où les choses déraperaient à nouveau. Comme le dit un officiel de la défense à Moscou : "Nous pouvons revenir quand nous le voulons"...

Tag(s) : #Russie, #Moyen-Orient

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