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Ben Seoud ou le bouchon ivre

Allié traditionnel des Etats-Unis depuis 1945 et, partant, des pays européens, le régime moyenâgeux des Seoud se trouve maintenant à la croisée des chemins. Qu'elles sont loin les années 80 où l'alliance américano-saoudienne mettait à bas l'URSS au terme d'un double mouvement brillant mais très lourd de conséquences : 1- en Afghanistan, appelé à devenir le "Vietnam des Soviétiques", soutien aux moudjahidines et autres islamistes, dont un certain Ben Laden. 2- entente pétrolière, Washington demandant à Riyad d'augmenter soudainement sa production afin de faire baisser le baril à 10$ et ruiner l'URSS qui dépendait fortement de ses exportations d'or noir.

1- a donné Al Qaïda, le 11 septembre 2001 et plus généralement l'expansion du djihadisme international. 2- a eu pour conséquence secondaire la ruine de l'Irak d'un certain Saddam Hussein, "trahi" par ses alliés américains et saoudiens qui l'avaient soutenu dans sa guerre contre l'Iran avant de le lâcher en rase campagne. Pour compenser ses pertes, Saddam envahira en 1990 le Koweït afin de mettre la main sur les réserves pétrolières gigantesques de ce petit pays, entraînant la première guerre du Golfe (1991) et l'invasion définitive de l'Irak par les Etats-Unis (2003), elle-même responsable d'une réaction en chaîne aboutissant au bouleversement généralisé que connaît le Moyen-Orient aujourd'hui.

Ennemie des chiites comme des sunnites laïcs, l'Arabie saoudite wahhabite a deux bêtes noires : l'Iran (Wikileaks a bien montré la paranoïa hystérique des Seoud vis-à-vis de Téhéran) et la Syrie de Bachar al Assad. Riyad comptait sans doute sur les Etats-Unis pour, comme au bon vieux temps, renverser ces régimes impies, mais leurs récriminations sont restées lettre morte. Non pas que les Américains en veuillent aux Saoudiens d'avoir vraisemblablement participé au 11 septembre, l'inénarrable Bush a fait ce qu'il faut pour couvrir les Seoud, préférant placer sur le clownesque "axe du Mal" des pays qui n'avaient rien à voir (Irak, Iran, Corée du Nord). Mais, après les fiascos afghan et irakien, l'Amérique n'a simplement plus les moyens d'engager une nouvelle guerre et le prix Nobel par défaut qui occupe actuellement la Maison blanche semble enfin l'avoir compris.

Ne manquant pas d'air, les cheikhs grassouillets de Riyad sont outrés du "lâchage" américain et commencent à redistribuer leurs billes. Si, à ce qu'il semble, un pacte pétrolier voulant rejouer le coup de 1986 a été mis sur pied en septembre 2014 par Kerry et le roi Abdallah pour "punir" la Russie sur l'Ukraine, les Saoudiens ont vite retourné la chose pour plomber l'industrie US de schiste et... se rapprocher des Russes !

Quid de l'avenir ? Le rapprochement avec Moscou sera-t-il durable ? Poutine sait évidemment que l'Arabie saoudite wahhabite, qui recycle ses pétrodollars en écoles coraniques fondamentalistes, reste un ennemi, mais en bon joueur d'échecs, il laisse venir. Une alliance pétrolière avec le leader de l'OPEP est certes alléchante. Peut-être le Kremlin parie-t-il aussi sur un "adoucissement" de Riyad dans un certain nombre de dossiers. La maison des Seoud semble avoir plus ou moins fait une croix sur le départ d'Assad (témoin, la rencontre avec le chef des renseignements syriens, inimaginable quelques mois plus tôt), sur le containment de l'Iran, sur à peu près tout en fait... Le meilleur symbole du renoncement saoudien tient en deux dates :

  • Juillet 2013 : rencontre orageuse entre le patron des services spéciaux saoudiens, Bandar bin Sultan, et Poutine, au cours de laquelle le premier menace le second de manière à peine voilée de laisser les djihadistes caucasiens commettre des vagues d'attentats lors des Jeux olympiques de Sochi si la Russie ne lâche pas Assad. [Rappelons également que c'est durant ces Jeux que les Américains ont organisé le coup d'Etat du Maidan en Ukraine].
  • Juin 2015 : visite beaucoup plus diplomatique d'une délégation saoudienne de haut-vol à Saint-Pétersbourg. Entretemps, Poutine n'a rien lâché et a même augmenté son soutien à Assad. Plus de menace, plus de déclarations grandiloquentes, mais presque une prière de la part des cheikhs... S'il vous plaît, on vous offre une alliance pétrolière, un statut de membre de l'OPEP, on investit 10 Mds dans votre économie, on vous achète des centrales nucléaires... Pourriez-vous peut-être, si vous le voulez bien, lâcher Assad ?

La réponse russe, nous la voyons aujourd'hui : avions, bateaux et tanks prennent la direction de la Syrie pour soutenir le régime et engager la lutte contre l'EI. Le Kremlin n'a que faire des propositions de Riyad... "Lâchés" par l'allié américain, terrorisés devant la montée en puissance de l'Iran, apeurés par l'avance du monstre daéchique qu'ils ont aidé à créer, embourbés dans le conflit yéménite contre les Houthis chiites, les Saoudiens se doivent, eux, de courtiser Poutine qui accumule les atouts dans son jeu...

Tag(s) : #Moyen-Orient, #Etats-Unis, #Russie, #Pétrole

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