Le Grand jeu gazier continue sur l'échiquier énergétique mondial.
Commençons par l'Europe où BASF, via sa filiale Wintershall, s'associe au projet d'extension du Nord Stream proposé par Gazprom et rejoint ainsi Shell, E.ON et OMV. Nous en avons déjà parlé plusieurs fois : l'idée est de doubler la capacité du gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne pour atteindre le chiffre record de 110 Mds de m3 par an. Evidemment, les Etats-Unis feront tout pour torpiller le projet et ne se priveront pas d'exercer une pression intense sur leurs hommes de paille européens - Commission de Bruxelles, Merkel (femme de paille, en l'occurrence). Les prochains mois seront intéressants au pays des Teutons : qui prévaudra, de Merkel ou des grandes compagnies voulant mettre fin aux sanctions anti-russes ? Rappelons que BASF + E.ON = 185 000 emplois et 200 Mds d'euros de chiffre d'affaire, ce qui pèse dans la balance. Mais on sait aussi que le masochisme européen ne connaît pas de limites ces temps-ci et que les dirigeants du Vieux continent sont prêts à perdre des centaines de milliers voire des millions d'emplois pour complaire aux ordres de leur maître outre-Atlantique. Le bras de fer entre le patronat et la chancelière s'annonce serré...
Nord Stream qui rit, Turk Stream qui pleure ? La saga russe des tubes continue selon le modèle des vases communicants : bonne nouvelle au nord, mauvaise nouvelle au sud et vice-versa. C'est maintenant du côté du Turk Stream qu'il y a de l'eau dans le gaz. Oh rien de bien méchant et, une fois n'est pas coutume, les Américains n'y sont pour rien ! Il s'agit tout simplement d'un désaccord sur le prix. Les Turcs, en bons marchands de tapis, réclament un rabais supplémentaire pour autoriser le passage du pipeline, ce que Moscou renâcle à accorder. Il semble que, comme avec la Chine en mai 2014, on se dirige vers un règlement de l'affaire lors de la rencontre entre Poutine et Erdogan le mois prochain. Mais pour l'instant, les travaux ont été arrêtés.
L'accord sur le nucléaire iranien et la levée des sanctions ont pour conséquence de faire revivre le projet saboté par Washington de gazoduc Iran-Pakistan-Inde (IPI). Dans leur volonté d'isoler l'Iran, les Américains avaient réussi à détourner l'Inde du projet en 2009 et tentaient de promouvoir l'invraisemblable TAPI (Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde) censé passer au beau milieu des Talibans sans que ceux-ci ne s'en rendent compte. Trêve de délire et retour à la réalité, l'Inde est maintenant de nouveau intéressée par l'IPI et le projet fait sens. Ainsi, la levée des sanctions contre l'Iran n'aurait pas l'effet escompté par l'Occident. Loin de faire concurrence au gaz russe du côté de l'ouest - la route vers l'Europe est compliquée, qui plus est maintenant que le conflit kurdo-turc empêche le passage de pipelines -, le gaz iranien pourrait au contraire participer un peu plus encore à l'intégration de l'Eurasie et de l'Organisation de Coopération de Shanghai sous direction russo-chinoise, dont l'Inde et le Pakistan sont devenus membres cette année et que l'Iran rejoindra très bientôt.