Rien ne va plus en Turquie... Nous avions annoncé il y a déjà un certain temps que ce pays se dirigeait vers l'abîme. En juillet, nous écrivions :
"La Turquie s'est engagée ces dernières années sur un chemin imprévu qui laisse à peu près tout le monde dans l'expectative :
- rupture avec la Syrie et soutien à la rébellion islamiste
- rafraichissement des relations avec le camp occidental
rapprochement paradoxal avec la Russie(Turk Stream, dédollarisation) malgré de sérieux différends sur la Syrie ou l'Arménie- rupture avec Israël
volonté de rapprochement avec l'Organisation de Coopération de Shanghaiet collaboration militaire avec la Chine mais critiques très fortes sur sa politique au Xinjiang, qualifiée de "génocide" (ce que Pékin apprécie très moyennement...)- projet un peu mégalomaniaque de sultanat néo-ottoman"
Liste à laquelle il convient d'ailleurs de rajouter la guerre civile avec les Kurdes ou les attentats désormais sur le sol turc (même si, ô coïncidence, ils ne touchent que les ennemis du sultan). Depuis cette date, le rapprochement avec la Russie, donc aussi avec l'OCS, peut être considéré comme mort et enterré (barré sur la liste), les perspectives de victoire en Syrie sont maintenant bien lointaines...
Que reste-t-il à Ankara ? Pas grand chose... et ça s'aggrave encore.
Poutine a très rapidement signé les décrets reprenant ou même durcissant - tours operator plus autorisés à vendre de voyages en Turquie, interdiction d'employer des Turcs en Russie - les mesures annoncées ces derniers jours. Si Ben Erdogan croyait que Moscou bluffait, il s'est planté en 3D. Les S-400 sont en place et couvrent la majorité du territoire syrien (en rouge) tout en surveillant bien plus loin (en bleu) :
Est-ce un hasard si les bombardements turcs (et américains !) se sont soudain arrêtés en Syrie ? Plaignons l'avion turc qui dépasserait d'un millimètre la frontière...
Frontière que les Américains, reprenant l'idée russe (décidément, oncle Sam est souvent à la remarque de l'ours ces derniers temps), voudraient bien voir fermée. Selon un senior official cité par le Wall Street Journal : "Le jeu a changé. Trop, c'est trop ! La frontière doit être scellée. C'est une menace internationale et tout vient de Syrie et passe par la Turquie".
En lisant entre les lignes, l'aveu est subliminal : pendant les quinze mois de bombardements homéopathiques de la coalition américaine, le jeu était-il donc de laisser passer les armes à destination de Daech ?
Il est vrai que jusqu'ici, les soldats turcs préféraient gentiment papoter avec les hommes en pyjama noir à la frontière plutôt que leur tirer dessus :
On ne sait donc pas trop à quoi serviront le millier de véhicules militaires et tanks qu'Ankara envoie maintenant à la frontière. Discuter le bout de gras avec l'EI, sécuriser les derniers points de passage du pétrole daéchique ou, au contraire, se soumettre à la pression internationale, notamment au fabuleux retournement de veste US, et barrer une fois pour toute le passage ?
En Turquie même, trois haut gradés militaires impliqués dans l'interception de camions chargés d'armes à destination des djihadistes ont été arrêtés pour... espionnage ! Rappelons que ces camions avaient été affrétés par le renseignement turc, qui ne joue donc pas le même jeu qu'une partie de l'armée encore kémaliste et assez horrifiée des relations plus que coupables entre le gouvernement et le mouvement fondamentaliste. Cela fait suite à l'arrestation de journalistes ayant enquêté sur ces trafics et eux aussi accusés de divulgation de secrets d'Etat.
Décidément, la Turquie file un bien mauvais coton et ce ne sont pas les Kurdes qui diront le contraire. Un important avocat connu pour sa position critique vis-à-vis du gouvernement sur la question kurde a été assassiné, provoquant une intense émotion.
Isolée, commerçant avec le diable, menant une sale guerre contre une partie de sa population, tuant ses opposants, usant de pitoyables subterfuges qui ne trompent personne (au lendemain de l'incident du Sukhoï, l'aviation turque a soudain cessé ses intrusions répétées dans l'espace aérien grec). A une époque normale, la république bananière turque serait un paria.
Oui mais voilà, nous ne vivons pas à une époque normale... Ainsi apprend-on que les inénnarrables eurocrates n'ont rien trouvé de mieux à faire que de rouvrir les négociations en vue de l'adhésion de la Turquie à l'UE ! Ce n'est pas une blague... Ont-ils perdu la boule ? Comment peuvent-ils croire une seule seconde que, dans le contexte actuel, le parrain de Daech ne sera pas massivement rejeté ? Ils voulaient détruire l'EU qu'ils ne s'y prendraient pas autrement...
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Toutes mes excuses aux fidèles abonnés qui ont reçu par erreur une notification mail de la publication de cet article il y a plusieurs heures. C'était une mauvaise manip' de ma part.
Bien à vous tous, chers amis.