Lors de la chute du rouble en décembre 2014, nos crétins propagandistes qui sévissent dans les principaux journaux français étaient tout émoustillés. Le rouble s'écroule donc la Russie s'écroule. Un simple étudiant de terminale sait qu'une dévaluation est au contraire un ballon d'oxygène pour l'économie d'un pays exportateur (et une épine dans le pied d'un pays importateur), c'est le b-a-ba de la science économique, mais on ne peut pas demander à nos clowns médiatiques de réfléchir, ils ne font qu'exécuter les consignes...
Deux exemples récents concernent deux cases importantes de l'échiquier eurasien et pourraient avoir des conséquences non négligeables sur notre fameux Grand jeu énergétique.
En Turquie, la dépréciation de la livre a renchéri le coût des importations de gaz, le ministère de l'énergie évoquant un surcoût de 3,8 Mds ces huit derniers mois. Quelles en seront les conséquences ? Difficile à dire au vu du comportement parfois erratique d'Ankara et de la toile de contradictions dans laquelle est prise sa politique étrangère.
- Rapprochement avec la Russie et baisse des exigences financières vis-à-vis du Turk Stream ou, au contraire, durcissement à la table des négociations pour obtenir un rabais supplémentaire ?
- Recherche effrénée d'autres sources ? L'Azerbaïdjan n'a presque pas de gaz mais pourrait constituer un appoint intéressant afin de pousser les prix à la baisse. L'Iran serait la solution idéale mais impossible tant que dure la sale guerre contre le PKK dans laquelle s'est follement jetée la Turquie, les pipelines devant obligatoirement passer par la zone kurde.
En Russie, c'est l'inverse : l'affaiblissement du rouble a été synonyme de jackpot, les revenus énergétiques russes étant encore majoritairement libellés en devises étrangères. [Petite parenthèse : Poutine se trouve d'ailleurs devant un choix cornélien ; insister trop fortement sur la dédollarisation du commerce mondial risque de tuer la poule aux oeufs d'or en faisant baisser les recettes]. Un article d'OilPrice.com, qui ne peut évidemment pas s'empêcher au passage d'égratigner sans fondement Gazprom (le petit quart d'heure de russophobie primaire), se penche sur le numéro 1 russe du pétrole, Rosneft. Dans un contexte général de chute des cours de l'or noir et de désengagement des grandes compagnies pétrolières internationales, Rosneft est la seule à investir toujours plus et à creuser de nouveaux puits (800 !). Comment est-ce possible, se demande le journaliste ? La réponse est simple : la chute du rouble.
Grâce aux sanctions américaines et européennes suite à la crise ukrainienne, le rouble s'est beaucoup affaibli face au dollar et représente maintenant la moitié de sa valeur de l'année dernière. La dépréciation du rouble a réduit les coûts opérationnels puisque la compagnie a ses recettes en dollars et ses dépenses en roubles.
L'évidence même, le b-a-ba de l'économie dont nous parlions au début. Poutine peut dire un grand merci à Barack à frites, la Russie a battu son record de recettes pétrolières, la chute du rouble faisant plus que compenser la chute des cours de l'or noir. Citons encore l'article d'OilPrice :
Selon une étude de Citigroup, les exportations russes sont aussi profitables que lorsque le baril de pétrole était à 100 $, ce grâce à la dépréciation du rouble.
Pas étonnant que Rosneft continue d'investir tout azimut...