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Turquirit, turquipleure

De par sa position géographique à la croisée de l'Europe, du Caucase et du Moyen-Orient, la Turquie est une pièce essentielle du Grand jeu. C'est également le point nodal par où passent ou doivent passer les pipelines de l'ouest eurasien. Le BTC fait couler depuis le début des années 2000 le pétrole azéri vers la Méditerranée, via la Géorgie et la Turquie donc, en évitant l'Iran, la Russie et son allié arménien. Ce projet américain, visant à désenclaver les richesses de la Caspienne tout en isolant Moscou, fut une victoire sans lendemain. L'équivalent gazier se fait (et se fera encore longtemps) attendre comme nous l'avons déjà vu. Quant aux projets, ils sont légion : le Turk Stream russe, le lilliputien Corridor sud promu par l'UE ou l'hypothétique gazoduc Iran-Turquie. Ankara est très courtisé ces temps-ci...

Or la Turquie s'est engagée ces dernières années sur un chemin imprévu qui laisse à peu près tout le monde dans l'expectative :

  • rupture avec la Syrie et soutien à la rébellion islamiste
  • rafraichissement des relations avec le camp occidental
  • rapprochement paradoxal avec la Russie (Turk Stream, dédollarisation) malgré de sérieux différends sur la Syrie ou l'Arménie
  • rupture avec Israël
  • volonté de rapprochement avec l'Organisation de Coopération de Shanghai et collaboration militaire avec la Chine mais critiques très fortes sur sa politique au Xinjiang, qualifiée de "génocide" (ce que Pékin apprécie très moyennement...)
  • projet un peu mégalomaniaque de sultanat néo-ottoman

Bref, ça part dans tous les sens...

Dernière vaudeville en date : le bombardement de positions de l'Etat Islamique. Après avoir soutenu de tout son coeur et pendant des années les djihadistes contre Assad, les avoir armés, nourris et blanchis, avoir fermé les deux yeux au passage des milliers de volontaires qui se précipitaient en Syrie, la Turquie fait un virage (apparent ?) à 180°. Elle en profite d'ailleurs et peut-être surtout pour taper sur ses vieux ennemis du PKK kurde.

Conséquence immédiate : les Kurdes ont fait sauter le petit gazoduc irano-turc qui transite par leurs montagnes. Si les Iraniens nouvellement dé-sanctionnés avaient des projets de construction d'un tube géant passant par la Turquie pour inonder le marché européen de leur gaz, ils repasseront... Nous avions déjà vu que ce projet serait très difficile à réaliser. Avec l'embrasement du conflit dans le Kurdistan turc, c'est tout simplement impossible. Pas fous, les Iraniens viennent d'ailleurs de déclarer que Téhéran n'a aucune intention de construire un gazoduc et que les exportations vers l'Europe se feront en GNL (plus cher, plus difficile). L'ours russe peut dormir sur ses deux oreilles : toujours aucun concurrent sérieux à horizon.

Turquirit, turquipleure
Tag(s) : #Moyen-Orient, #Gaz, #Pétrole, #Russie, #Etats-Unis, #Chine

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