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C'est le genre de petite nouvelle banale qui passe totalement inaperçue, pas même digne d'être évoquée dans les fils de dépêches des journaux. Et pour une fois, je ne les en blâme pas, car seuls les initiés peuvent comprendre la portée de l'information sur notre Grand jeu énergético-eurasiatique.

Une première livraison de tubes est arrivée dans la presqu'île de Rügen, sur la côte baltique de l'Allemagne, et il y en aura désormais 148 par jour, acheminés par trains spéciaux (chaque tuyau mesure en effet 12 mètres et pèse 24 tonnes). Vous l'avez compris, il s'agit des composants du Nord Stream II qui devraient commencer à être assemblés au printemps prochain.

Ainsi, même si aucune décision officielle n'a encore été prise, ou du moins annoncée, le doublement du gazoduc baltique semble bien parti. Comme nous l'avions prévu, la grosse Bertha a tendance à mettre de l'eau dans son gewürztraminer dès que certains intérêts teutons sont en jeu :

La perspective du doublement du Nord Stream - Nord Stream II pour les intimes - rend les pays de la "nouvelle Europe" (© Bush) chaque jour plus émotifs. L'on se rappelle les réactions hystériques lors de la construction du gazoduc à la fin des années 2000, l'inénarrable Radoslaw Sikorski, pillier néo-conservateur des Affaires étrangères polonaises, comparant même le projet au pacte germano-soviétique ! Rien que ça... Malgré l'opposition résolue des Etats-Unis, utilisant leurs créatures baltes et polonaises afin de couper l'Europe de la Russie, l'Allemagne de Schroeder avait mis tout son poids dans la bataille pour faire passer le tube.

Une demi-décennie plus tard, on prend presque les mêmes et on recommence, mémère Merkel ayant remplacé papi Gerhard. Pourtant, dame Angela aura d'abord tout fait pour crier au grand méchant ours russe. Russophobie réelle, chantage à l'or allemand entreposé à la FED américaine et dont on ne sait plus trop s'il existe encore, chantage de la NSA sur la jeunesse peu reluisante de la possible informatrice de la Stasi, ou tout cela à la fois ? Mémère a en tout cas tout fait pour torpiller le South Stream devant fournir le gaz russe aux Balkans.

Jamais à court de ressources et sachant parfaitement jauger le poids de chaque acteur européen, Moscou a fait contre mauvaise fortune (abandon des amis balkaniques qui s'étaient eux-mêmes mis dans la panade en entrant dans l'UE) bon coeur et fait à l'Allemagne une proposition que Berlin ne pouvait refuser. Comme nous l'écrivions en septembre :

"Moscou assure ses arrières en doublant le Nord Stream. Grande intelligence de Poutine qui parie sur l'égoïsme allemand ; la mère Merkel est toute pleine de paroles grandiloquentes sauf quand l'économie de son pays est en jeu. Avec le doublement du tube baltique, l'Allemagne deviendra le hub gazier d'une grande partie de l'Europe, renforçant encore sa mainmise économique sur le Vieux continent. De quoi faire réfléchir la chancelière..."

C'est maintenant tout réfléchi ; mémère ne minaude plus devant la possibilité de faire de l'Allemagne la plateforme énergétique du Vieux continent. Mais c'est là que réapparaissent nos petits geignards de la "nouvelle Europe", jamais à court de critiques acerbes contre la Russie et son gaz mais ne dédaignant visiblement pas les confortables frais de transit de ce même gaz russe. Le beurre et l'argent du beurre, comme toujours...

La Lettonie, l'Estonie, la Lituanie, la Pologne et l'Ukraine (LOL) crient au scandale et menacent d'utiliser tous les recours à leur disposition pour empêcher le doublement du Nord Stream. Là, ils risquent de tomber sur un os, mémère Merkel veillant au grain. Mein Gott, on ne joue pas avec l'économie de mein Deutschland uber alles... Encore du rififi en perspective dans les travées de Bruxelles. L'ours a déjà marqué en point en divisant à nouveau l'UE, conglomérat artificiel d'Etats aux intérêts totalement divergents. Quand au Nord Stream II, il ne devrait pas être réellement menacé vu le poids de ceux qui soutiennent le projet, mais la bataille autour du tube baltique sera intéressante.

La récente affaire du drone muni d'explosifs découvert près du gazoduc a-t-elle quelque chose à voir ? A suivre...

Ce rififi semble être derrière nous si l'on en croit l'arrivage des tuyaux sur la presqu'île de Rügen. Gazprom prendrait-il le risque de les acheter et de les acheminer sans avoir une idée assez sûre du dénouement ?

L'empire, obsédé par la perspective d'une intégration énergétique de l'Eurasie, tentera encore par tous les moyens de torpiller le projet mais ses atouts commencent à se faire rares... Et l'on catéchise plus difficilement l'Allemagne que la petite Bulgarie à propos du South Stream. Certes, notre feuilleton gazier n'est jamais à court de rebondissements, mais pour l'instant, l'image qui se dessine de plus en plus est celle-ci :

 

Tag(s) : #Gaz, #Europe, #Russie

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