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Le Grand jeu danse la samba

Un fidèle lecteur et observateur avisé de l'Amérique latine nous propose aujourd'hui un éclairage fort intéressant sur la crise brésilienne et la destitution de la présidente Dilma qui n'a, comme d'habitude, été qu'à moitié analysée par les plumitifs officiels de la MSN occidentale. Merci à notre honorable correspondant qui se fait appeler Zébulon.

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Tout a été dit sur l’importance et l’étrangeté de la séquence politique actuelle au Brésil : une présidente innocente, accusée de crime de manipulations budgétaires par des bandits, et dont le pouvoir est comme mis entre parenthèse, en attendant de savoir si elle sera définitivement écartée. Un vice-président suspecté de corruption qui constitue un gouvernement comptant au bas mot un tiers de ministres corrompus, supposé « redresser » un pays traversant une grave crise économique et sociale (le chômage a doublé en deux ans, l’inflation est à 10%, etc.) avec une politique d’austérité.

Croire à un processus raisonnable de destitution est pour le moins difficile, et certains crient, non sans raison, au coup d’état juridico-médiatique, redonnant le pouvoir, hors processus électoral, à une droite revancharde, cantonnée dans l’opposition depuis 13 ans.

Plusieurs analystes se sont efforcés de retracer les multiples péripéties d’un imbroglio institutionnel qui plonge ses racines profondes dans la culture et l’histoire politique du pays, parfois de façon très fouillée. Mais on ne saurait se contenter de cette lecture purement interne, pour plusieurs raisons.

D’abord parce que cet événement brésilien n’est pas isolé, mais prend place dans une séquence qui concerne toute l’Amérique Latine :
destitution au Honduras (2009), au Paraguay (2011), élection de gouvernements de droite en Argentine et au Pérou (2016), projet de destitution au Venezuela.

Ensuite parce que plusieurs détails s’avèrent particulièrement troublants : le fait que le vice-président Temer ait été un informateur de la CIA, que l’ex-présidente Dilma ait fait l’objet d’écoutes de la part de la NSA (révélé par Wikileaks), que le sénateur Nunes ait été reçu par des think tanks néo-conservateurs à Washington juste après le vote de défiance du Parlement et avant celui du Sénat, et enfin le fait que le juge Morro, qui a lancé les premières accusations contre Dilma et Lula, ait suivi des cours de droit pénal au consulat américain de Rio de Janeiro, Quand on connaît le passif particulièrement lourd des interventions des USA dans cette région...

Il est évident que, s’il devait se préciser (ce qui semble probable), l’éloignement de Dilma aurait des conséquences géopolitiques importantes. En effet, il permettrait d’abord au gouvernement de substitution de se débarrasser durablement du Parti des Travailleurs (puisqu’il s’agit aussi d’empêcher le retour de Lula aux élections de 2018). Surtout, il empêcherait le Brésil de poursuivre son rapprochement avec les BRICS, en rééquilibrant les relations du pays en faveur des USA et de l’Union Européenne. La Chine se verrait notamment priver d’une importante route commerciale – puisque le projet de canal au Nicaragua est au point mort, les Chinois avaient prévu avec le Pérou et le Brésil un gigantesque projet de ferroutage d’ouest en est, destiné à éviter le canal de Panama sans passer par le Cap Horn.
Sans compter que les investissements directs dans l’industrie locale seraient surveillés et ralentis. Enfin, le départ de Dilma gênerait durablement les efforts récents et laborieux d’intégration régionale (Mercosul), d’inspiration plus ou moins bolivarienne.

De là à considérer que ce coup d’état « blanc » n’est qu’une simple bataille dans la nouvelle guerre froide opposant l’Occident aux BRICS, il n’y a qu’un pas

Tag(s) : #Amérique latine, #Economie, #Etats-Unis

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