Ironie du sort ou pique du Kremlin à l'égard du sultan, c'est à l'ombre de la statue de Catherine II que s'est déroulée la rencontre entre Poutine et Erdogan. Quand on sait que la tsarine de toutes les Russies a, en son temps, mis une fessée à l'empire ottoman, la coïncidence est parlante...
Ainsi donc, Moscou et Ankara ont fini par signer un cessez-le-feu mettant fin (temporairement ?) aux hostilités à Idlib. Puisque les Russes ont décidé, il y a un mois, de ne pas s'opposer frontalement aux Turcs qui envahissaient le territoire syrien en envoyant convoi sur convoi, la cessation des hostilités était la conséquence logique de toute l'affaire.
Si le cessez-le-feu en soi peut être vu comme un revers pour Damas dans sa volonté de remettre la main sur toute la Syrie, ses clauses sont par contre une défaite cinglante pour le sultan. Les récentes conquêtes loyalistes sont entérinées et les demandes d'Ankara de revenir aux limites de Sochi sont balayées d'un revers de main, tout comme le fait d'établir une zone d'exclusion aérienne.
Plus intéressant encore, la M4 est neutralisée, des patrouilles russo-turques y sont prévues et une ceinture de 12 km (6 au nord, 6 au sud) est censée la protéger.
Or cette route passe en plein milieu de l'Idlibistan. Le sort de la zone barbue (1) au sud de la M4 est inconnu mais, si la voie est réellement sécurisée, les modérément modérés se trouveront coupés de leurs arrières. Dès lors, une évacuation n'est pas impossible, ce qui ferait gagner aux loyalistes une portion significative de territoire sans combattre.
Deuxième point intéressant, dont personne ne parle : quid de Jisr al-Chogour ? Cette place-forte djihadiste (2), perdue par le gouvernement en 2015, se trouve sur la M4 et est donc comprise dans le cordon de sécurité. Peut-on décemment imaginer que les milices qui la tiennent désarmeront ? Toujours est-il que, dans le cas où cet accord serait réellement mis en place, la vision de soldats russes patrouillant au milieu des regards acérés des djihadistes tchétchènes ou turkmènes vaudrait son pesant d'or.
Nous n'en sommes pas là, car le respect du cessez-le-feu est tout sauf sûr et Al Qaeda s'est déjà prononcé contre. Si la trêve est rompue, les Syro-Russes, dont la position est légitimée par l'accord, devraient être en position de force pour reprendre l'offensive. En voyant sortir le sultan, il paraît que la Grande Catherine n'a pu s'empêcher de sourire...