Au Yémen, les grassouillets cheikhs saoudiens connaissent désillusion sur désillusion. Non seulement les Houthis, malfaisants hérétiques chiites pour Riyad, ont parfaitement résisté à un an de bombardements pétromonarchiques mais ils regagnent maintenant du terrain. Sentant le bourbier, les Emirats Arabes Unis ont déjà fait leurs valises ; la logique commande que le royaume wahhabite en fasse autant, mais gare à la perte monumentale de face dans la région. Les Seoud sont au bord de la crise de nerfs en ce moment.
Un autre qui doit se demander ce qui lui arrive est le sultan. Dans la continuité de ses excuses à Moscou, Ankara proposerait à la Russie d'utiliser sa base d'Incirlik pour combattre l'EI. J'en suis presque tombé de ma chaise. Résumons : après avoir abattu un sukhoï parce qu'il a violé pendant quelques secondes son espace aérien, la Turquie offre maintenant la possibilité aux avions russes de survoler en long, en large et en travers son territoire. Dans la série je revois mes ambitions à la baisse, on demande Erdogan... Le pauvre, qui demandait il n'y a pas plus tard que deux mois la création d'une flotte de la Mer noire pour contrer l'avancée russe, a l'air de ne plus trop savoir où il en est.
Des jets russes sur une base de l'OTAN côtoyant leurs adversaires US, ô ironie. Mais après tout, cette base qu'on finira par qualifier de kafkaïenne n'est pas à un paradoxe près : pendant des mois, avant la mise en place des S400 russes, les pilotes turcs en décollaient pour bombarder les Kurdes tandis que leurs homologues américains partaient de la même piste pour soutenir ces mêmes Kurdes contre l'EI !
Aux dernières nouvelles, la proposition a fait flop. Le Ministre turc des Affaires étrangères s'est à moitié rétracté, peut-être sous la pression otanienne qui organise demain son sommet de Varsovie dont l'activité principale consistera à pousser des cris d'orfraie sur le "danger russe". L'ex supremo de l'OTAN, le mal-nommé Breedlove, n'a-t-il d'ailleurs pas cherché à forcer la main d'Obama sur le dossier ukrainien en exagérant et parfois inventant une menace inexistante ?
Incidemment, l'on commence à reparler avec insistance du Turk Stream, dont nous avions expliqué l'importance avant le refroidissement des relations turco-russes. Du côté du Nord Stream II, la Pologne, toujours prompte à pleurnicher sur ce nouveau "pacte germano-soviétique (sic), aurait en réalité déjà réservé 11 milliards de m3 annuels et ne devrait donc pas s'opposer au projet de doublement du gazoduc baltique.
Sur le front économico-eurasien, l'Union ectoplasmique européenne a maintenu ses sanctions masochistes contre Moscou, ce qui n'est une surprise pour personne. L'exceptionnalistan l'a répété à ses vassaux : les sanctions, comme les diamants, sont éternelles. Moscou n'en a cure qui a renouvelé ses propres contre-sanctions et achète du yuan. Les banques occidentales se sont vu obligées de rester à l'écart du rebond du marché russe et l'ont mauvaise.