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Pendant que le Moyen-Orient atteint le point d'incandescence, l'Eurasie poursuit son bonhomme de chemin. A Zhengzhou, lors de la réunion des chefs de gouvernement de l'Organisation de Coopération de Shanghai, le Premier ministre russe Medvedev a proposé un partenariat commercial entre l'OCS, l'Union Eurasienne et certains pays de l'ASEAN.

Et d'abord quelques cartes pour comprendre la portée de la chose.

OCS (en bleu les Etats membres, en vert les membres observateurs. L'Inde et le Pakistan deviennent membres de plain pied en 2016) :

De Minsk à Manille

Union Eurasienne :

De Minsk à Manille

ASEAN (sachant tout de même que la proposition russe ne concerne pas tous les membres, dont certains - Malaisie, Singapour, Brunei et Vietnam - sont liés au Traité trans-pacifique) :

De Minsk à Manille

On imagine aisément les gouttes de sueur perler au front des stratèges américains... Un immense bloc commercial de Minsk à Manille, rêve gaullien, Europe en moins, enfermée qu'elle est dans le carcan eurocratique de l'empire.

Ce projet fou, cauchemar du pauvre MacKinder, fera évidemment face à certaines difficultés : méfiance traditionnelle de l'Inde vis-à-vis de la Chine, même si les relations se sont franchement réchauffées depuis deux ans ; concurrence du "trans-pacifique" des Etats-Unis qui feront tout pour écarter certains pays de l'ASEAN du projet eurasiatique.

Mais la proposition de Poutine relayée par Medvedev est tout sauf une chimère. L'OCS ne cesse de gagner en importance, se transformant doucement mais sûrement en véritable bloc militaro-économico-politique. D'ailleurs, lors de ce même sommet de Zhengzhou, le Premier ministre chinois a évoqué l'état d'avancement des discussions pour faire de l'alliance une zone de libre-échange.

Quant au président Xi, il a encore apporté de l'eau au moulin de l'inextinguible lune de miel sino-russe en assurant que "la coopération stratégique entre les deux pays se renforcera quelle que soit l'évolution globale ou régionale". C'est presque une déclaration d'amour... Il en a également profité pour pousser à l'intégration entre le pharaonique projet de Routes de la soie et l'Union Eurasienne.

Cela fait déjà un certain temps que ce blog documente l'inarrêtable intégration de l'Eurasie. L'on pourrait être plus étonné de l'extension du projet à l'ASEAN mais, en y regardant de plus près, cela est tout sauf une surprise. La Chine a déjà dépassé les Etats-Unis comme premier partenaire commercial du sud-est asiatique tandis que celui-ci entretient également de bonnes relations commerciales avec la Russie. Les faits sont têtus, comme disait l'autre, et la réalité est que l'ASEAN a bien plus intérêt à s'allier avec Pékin et Moscou que de rester dans l'orbite de l'ancien maître américain.

Le grand corps eurasien pose donc un pied en Asie du Sud-est. A des milliers de kilomètres de là, l'autre jambe arrive au Moyen-Orient. Nous avons déjà plusieurs fois évoqué le vif intérêt d'Israël - ô doux coup de poignard dans le dos états-unien - pour l'Union Eurasienne. Tel Aviv est on ne peut plus sérieux et espère arriver à un accord de libre-échange d'ici 2018.

Mais c'est surtout l'Iran qui attire tous les regards. Membre observateur de l'OCS depuis une décennie, il pourrait y faire une entrée en fanfare dès l'année prochaine, une fois les sanctions internationales levées. Le spectaculaire triangle sino-russo-iranien ne cesse de se renforcer comme nous l'avons montré le mois dernier ; l'entente avec la Russie est quasi parfaite, encore renforcée par les intérêts stratégiques communs en Syrie.

Exemple entre mille de cette concorde : Gazprom fournira via l'Iran du gaz à l'Arménie, membre elle aussi de l'Union Eurasienne. Tout se met en place, les pièces du puzzle eurasiatique s'imbriquent inexorablement au grand dam d'une certaine puissance maritime...

Tag(s) : #Russie, #Chine, #Asie centrale, #Etats-Unis, #Moyen-Orient, #Gaz, #Economie

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