Pour les camarades américains, ce n'est plus la lutte finale mais l'insulte finale ; après l'Irak, c'est maintenant au tour de l'Afghanistan de demander une assistance militaire à la Russie !
Kaboul, en la personne du président Ashraf Ghani, a en effet sollicité une importante aide russe en matériel (pour l'instant), ouvrant grand la porte à Moscou alors que la coalition américaine quitte peu à peu le pays, la queue entre les jambes après 14 ans de présence inutile et des centaines de milliards de dollars dépensés en vain. Il est vrai qu'à part bombarder des hôpitaux de MSF, les avions US ne semblent pas spécialement efficaces...
Les Talibans sont partout à l'offensive , doublés d'ailleurs parfois par l'Etat Islamique, désormais relativement bien ancré. Le territoire sécurisé se réduit comme peau de chagrin, rendant d'ailleurs chaque jour plus illusoire le farfelu projet du TAPI, pourtant régulièrement commenté par une presse occidentale complètement à l'ouest. Comment diable un gazoduc pourrait-il passer indemne au milieu de tout ça ?
Dans ce contexte, il n'est guère étonnant que Kaboul fasse appel à une Russie victime du succès de sa campagne syrienne. Rarement dans l'histoire aura-t-on vu une intervention aussi limitée (quelques dizaines d'avions) avoir autant de conséquences géopolitiques. Poutine ou l'art du timing parfait et de la rentabilité stratégique exponentielle...
Restent deux inconnues :
- Quelle sera la réaction américaine ? Même s'ils semblent prendre l'habitude d'aller de Charybde en Scylla depuis quelques années, les Etats-Unis peuvent-ils accepter de se faire planter et supplanter ainsi sans rien dire ? Obama a déjà retardé/annulé le retrait de la dernière dizaine de milliers de soldats, pourtant censés quitter le sol afghan cette année. Cette présence est militairement anecdotique quand on pense que près de 150 000 soldats n'ont rien pu faire durant le "surge" de 2009-2013. Mais politiquement, le contingent US, même réduit, pèsera sur le futur afghan.
- Surtout, quelle sera la réaction russe ? Une intervention au sol avec envoi de troupes est évidemment exclue, les souvenirs de la guerre 79-89 étant encore bien trop vivaces. De toute façon, sur le terrain, l'armée afghane et les seigneurs de la guerre (dont le terrible Dostum, qui est allé à Moscou pour solliciter l'aide russe) sont là pour faire les basses besognes. Un soutien aérien suffirait, mais avec la Syrie et la demande irakienne, la Russie ne se retrouverait-elle pas en situation d'overstretch ? C'est alors que l'on repense à la proposition d'un haut-gradé de l'état-major russe d'utiliser l'OCS pour tenter de stabiliser l'Afghanistan, qui ne rêve justement que d'entrer dans cette organisation.
Nous n'en sommes pas encore là, même si les choses peuvent parfois aller très vite. Les prochaines semaines, les prochains mois nous en diront plus. Mais une chose est sûre : le basculement considérable que connaissent le Moyen-Orient et l'Asie du sud en faveur de la Russie ne laisse pas d'étonner...
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Je ne remercierai jamais assez les fidèles lecteurs, de plus en plus nombreux, du blog et vos messages d'encouragements ou de remerciements qui me viennent des quatre coins du monde. Un salut amical à Alexis des marches tibétaines, à qui je ne peux répondre du fait du contrôle des boîtes mail par les autorités du pays où il habite.
Merci à tous !