L'Ukraine ne fait plus la une de nos chers journaux. Certes, il n'y a plus grand chose à en tirer. Le "rêve de liberté" du Maïdan s'est transformé en incroyable merdier où l'anarchie côtoie le chaos économique et les milices néo-nazies. Après la Libye, l'Irak, la Syrie, l'anti-Midas occidental a encore frappé : tout ce qu'il touche se transforme en ... [restons polis]
Trois dates pour comprendre ce qui se passe vraiment là-bas :
22 février 2014 : putsch du Maïdan
Pièce centrale du Grand jeu, l'Ukraine était déjà en difficulté financière en 2013. L'ancien président Yanoukovitch (démocratiquement élu faut-il le rappeler) décida d'abandonner le partenariat oriental de l'Union Européenne pour se rapprocher de l'Union Eurasienne proposée par la Russie. La raison en était simple : loin d'être un pion pro-russe comme trop souvent répété, Yanoukovitch est allé voir Bruxelles et Moscou pour faire, assez cyniquement d'ailleurs, monter les enchères. Bruxelles proposa une aide de 500 millions d'euros, Moscou de 15 milliards. Le calcul était vite fait...
Ce rapprochement avec la Russie déclencha l'opposition de la partie occidentale de ce pays très polarisé. C'est le premier Maïdan ou l'euro-Maïdan (novembre-décembre) : des manifestations pacifiques, bon enfant, de gens représentant vraiment une partie de la population ukrainienne. Ce mouvement était évidemment soutenu en sous-main par les Etats-Unis, dont la poltique depuis vingt ans consiste à arracher l'Ukraine à la sphère russe et à la faire entrer dans l'OTAN après y avoir installé un gouvernement pro-occidental, isolant la Russie de l'Europe et de la Méditerranée. Tout l'appareil US se retrouvait sur cette ligne, de Victoria "Fuck l'UE" Nuland à Brzezinski en passant par les officines néo-cons ou encore le NED qui finance les ONG dans les pays qu'il veut déstabiliser : https://consortiumnews.com/2014/02/27/a-shadow-us-foreign-policy/
Petit problème pour les impériaux : l'euro-Maïdan s'essouffla complètement début janvier. Les centaines de milliers de manifestants n'étaient plus que quelques centaines. Il était temps d'actionner le plan B : utiliser des milices néo-nazies pour renverser Yanoukovitch. A partir de janvier, l'euro-Maïdan se transforma doucement en nazi-Maïdan, avec ces phares de la liberté que sont Svoboda, créé sous le nom de Parti National-socialiste (!) et qui commémore des divisions SS de la Seconde guerre mondiale, ou le Pravy Sektor, encore plus extrémiste et qui en est issu...
http://www.les-crises.fr/ukraine-oaodvd-3/
http://www.les-crises.fr/ukraine-oaodvm-2/
http://russia-insider.com/en/military_ukraine/2015/02/17/3579
Ces organisations inquiétaient l'Occident quelques mois plus tôt. Le Parlement européen avait même condamné Svoboda, tout comme le Congrès juif mondial. Même le Monde s'en inquiétait, c'est tout dire : http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/11/01/ukraine-les-nationalistes-de-svoboda-inquietent-les-juifs-et-les-russes_1784619_3214.html
Mais en février 2014, allez hop, on oublie tout ! L'ex-Parti National-socialiste d'Ukraine devient soudain très fréquentable tandis que le Pravy Sektor (sa branche armée) regroupe des "combattants de la liberté". Pas d'inquiétude, les médias verrouillés se tairont désormais, parler de néo-nazis à Kiev n'est qu'une insidieuse "propagande russe".
Sur le terrain, la place Maïdan se transforme en camp retranché mais Yanoukovitch ne cède pas. Il faut un événement déclencheur provoquant l'indignation internationale : ce sera le false flag des fameux snipers tirant sur la foule.
https://www.youtube.com/watch?v=1bVQ2SMjw78
http://edition.cnn.com/2014/03/05/world/europe/ukraine-leaked-audio-recording/
Des tirs venant d'un bâtiment tenu par l'opposition, donc, afin de faire porter le chapeau à Yanoukovitch et créer un point de non-retour. Vous en avez entendu parler dans notre "presse libre" ? Noooooon chuuuuut, circulez, y'a rien à voir...
Le but recherché est atteint, la situation est hors de contrôle. Craignant pour sa vie, Yanoukovitch s'enfuit tandis que le parlement ukrainien est cerné. Le pistolet sur la tempe, les députés votent en toute hâte la destitution du président, fable qui permettra aux pays occidentaux de déclarer sans rire que la révolution du Maidan n'a pas été un putsch anti-constitutionnel.
Euro-Maïdan et nazi-Maïdan se partagent ensuite le pouvoir, avec environ un tiers des postes ministériels pour les néo-nazis, les vrais vainqueurs de Yanoukovitch.
11 mai 2014 : Poutine ne reconnaît pas le référendum séparatiste du Donbass
C'est l'une des clés permettant de comprendre la stratégie de Poutine en Ukraine et pourtant, elle n'est jamais relevée. Et pour cause ! Ce serait revenir sur plus d'un an de désinformation systématique de nos faiseurs d'opinion qui se rengorgent sur le "danger russe" et "l'invasion russe de l'Ukraine" (alors qu'un môme de 5 ans pourrait comprendre que si la Russie voulait vraiment conquérir l'est ukrainien, ça aurait été torché en cinq jours, certainement pas un an et demi !). Comment expliquer que Poutine n'a pas reconnu le désir d'auto-détermination des séparatistes pro-russes du Donbass si l'on affirme dans le même temps qu'il cherche à annexer le Donbass ? Aïe, voilà un os pour nos propagandistes en herbe... Alors on évacue purement et simplement l'une des deux contradictions. Ce faisant, on condamne le public à ne rien comprendre à ce qui se passe là-bas.
Petit retour en arrière.
Après le putsch, le nouveau régime au pouvoir à Kiev est pro-occidental et, suivant le désir de ses parrains américains, veut prendre le chemin de l'OTAN (plus que de l'UE d'ailleurs, ce qui montre l'imbécilité des dirigeants européens, bonnes poires dans toute cette affaire). A Moscou, on tremble. Perdre la base navale de Sébastopol, verrou stratégique de la Mer noire et ouverture sur la Méditerranée, pire, voir cette base devenir américaine ! Et voir l'OTAN s'installer aux portes de la Russie, alors que promesse avait été faite en 1991 à Gorbatchev que l'alliance militaire n'avancerait pas vers l'Est. Impossible... La réaction de Poutine sera fulgurante (notons qu'il est en réaction dans toute cette affaire, pas en expansion) et se fera sur deux axes :
- récupérer la Crimée et la rattacher à la Russie.
- créer un conflit gelé en Ukraine même, paralysant Kiev et l'empêchant d'entrer dans l'OTAN.
Le premier volet est connu, inutile d'y revenir en détail. Un Khroutchev passablement bourré avait donné la Crimée à l'Ukraine d'un trait de plume, un soir de beuverie de 1954. Depuis la dislocation de l'URSS en 1991, la Russie louait (cher) la base de Sébastopol, accord qui était toujours susceptible d'être remis en question quand un gouvernement pro-US arrivait au pouvoir à Kiev. Suivant l'exemple occidental au Kosovo, Moscou a pris le prétexte (d'ailleurs réel) du droit à l'auto-détermination des peuples pour organiser le référendum de rattachement à la Russie. Apparemment, les Criméens ne s'en plaignent pas trop : http://www.forbes.com/sites/kenrapoza/2015/03/20/one-year-after-russia-annexed-crimea-locals-prefer-moscow-to-kiev/
Mais c'est surtout le deuxième volet qui est intéressant. Poutine n'a aucune intention d'annexer l'est ukrainien, bien au contraire ! Son but était de créer un conflit gelé à l'intérieur des frontières ukrainiennes. Selon la charte de l'OTAN, un pays ayant un conflit ouvert ou gelé sur son territoire ne peut faire acte de candidature. Et ça, on le sait parfaitement à Moscou. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le cas de figure se présente. Trois pays de l'ex-URSS ont, sous la direction de gouvernements formés aux Etats-Unis, fait mine de vouloir entrer dans l'organisation atlantique : Géorgie, Moldavie et Ukraine. Moscou a alors activé/soutenu les minorités russes en lutte contre le gouvernement central, les conflits gelés dans ces trois pays (Ossétie et Abkhazie en Géorgie, Transnistrie en Moldavie et maintenant Donbass en Ukraine) les empêchant d'entrer dans l'OTAN. Ce que fait Poutine dans l'Est ukrainien n'est donc que la réplique de ce que la Russie a déjà fait ailleurs, il n'y a aucune surprise. Pour lui, il est donc hors de question d'accepter que le Donbass se rattache à la Russie, contrairement aux sornettes racontées ici et là : il le veut à l'intérieur des frontières ukrainiennes. Statut d'autonomie, armement, soutien diplomatique, aide humanitaire... tout ce que vous voulez, mais à l'intérieur des frontières ukrainiennes !
Cela explique pourquoi Poutine était bien embêté lorsque les séparatistes pro-russes ont organisé leur référendum. http://www.courrierinternational.com/article/2014/05/09/le-donbass-econduit-poutine
Il a d'abord tenté de les en dissuader, puis il a refusé d'en reconnaître les résultats.
Cela explique aussi que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, Poutine est mal vu par les pro-russes du Donbass ainsi que par les courants nationalistes russes qui rêvent tous d'une Novorossia indépendante ou de son rattachement à la Russie : http://www.theamericanconservative.com/articles/putins-right-flank/
Vladimir Vladimirovitch fait un numéro d'équilibriste, soutenant suffisamment les séparatistes pour qu'ils ne se fassent pas annihiler tout en douchant assez cyniquement d'ailleurs leurs espoirs d'un rattachement à la Russie, éliminant les leaders séparatistes indépendantistes (Strelkov, Mozgovoi, Bezner) pour les remplacer par des chefs plus enclins à se contenter d'une large autonomie (Zakarchenko, Givi, Motorola), le tout alors que Kiev (et les Etats-Unis derrière) font tout pour faire déraper la situation et que certains bataillons néo-nazis (Azov, Aidar, Tornado etc.) bombardent sciemment les civils russophones. Pour l'instant, Poutine s'en sort avec une maestria peu commune, mais seul l'avenir nous dira si l'équilibriste est finalement arrivé de l'autre côté.
17 juillet 2014 : l'avion de la Malaysian Airlines est abattu
Rarement la basse-cour médiatique occidentale sera tombée aussi bas. Un barrage d'articles délirants, d'accusations hystériques, allant toutes dans un sens et un seul. Le prévenu est condamné avant même l'enquête ! Qu'en 2014, l'Europe soit le théâtre d'un climat digne des pires époques de l'Inquisition laisse songeur... Mais après tout, quand on voit des dirigeants occidentaux soutenir un gouvernement composé pour un tiers de néo-nazis ou que ces mêmes dirigeants, pour ne pas indisposer leur allié ukrainien, s'opposent à l'ONU à un vote condamnant la glorification du nazisme, il faut s'attendre à tout : http://www.politis.fr/ONU-lutte-contre-la-glorification,29095.html
Les journaux européens sont depuis longtemps noyautés par la CIA, comme l'a montré le scandale Udo Ulfkotte en Allemagne l'année dernière. L'un des plus grands éditorialistes allemands de l'un des plus "sérieux" journaux (Frankfurter Allegemeine Zeitung) bossait en fait depuis des années... pour la CIA ! Et c'est loin d'être un cas isolé en Europe. https://www.youtube.com/watch?v=sGqi-k213eE
Mais revenons à notre avion... Ainsi donc, pour la volaille journalistique noyautée, c'est un coup des séparatistes pro-russes, donc des Russes ! Et le grand méchant Poutine est montré d'un doigt accusateur par les journaux dans un déferlement de rage collective qui fait fortement penser aux deux minutes de la haine contre Emmanuel Goldstein dans 1984, le fameux roman d'anticipation de George Orwell. Nous y sommes, avec 30 ans de retard.
Sur quoi se basent nos féroces procureurs ? Sur... et là, ne rigolez pas, je suis sérieux... sur :
1- les accusations verbales des Etats-Unis [les mêmes que pour les bébés-couveuse de 1990 ou la fiole de Colin Powell à l'ONU ?], Washington se gardant bien d'apporter le moindre début de preuve alors que leurs satellites tournent 24h/24 au-dessus de l'Ukraine.
2- la vidéo amateur d'un lanceur de missiles Buk, en réalité filmé dans une ville tenue par l'armée ukrainienne comme le montre un panneau publicitaire dans le fond.
3- un commentaire Facebook effacé depuis [un énorme LOL. Est-il vraiment utile de préciser que n'importe qui peut pirater un compte sur un réseau social...]
4- une conversation téléphonique enregistrée entre "deux chefs séparatistes", dont il a été prouvé depuis qu'elle a été trafiquée, Kiev l'ayant même retiré de sa liste de "preuves".
Voilà Mesdames et Messieurs, c'est tout... Et c'est sur ça que se base l'accusation.
Peu importe que le principal journal malaisien (la Malaisie est quand même concernée au premier chef dans cette affaire) titre, lui, sur la responsabilité de Kiev : http://www.nst.com.my/node/20925
Peu importe que le plus grand journaliste d'investigation américain - Robert Parry, celui qui a mis au jour le scandale des contras - pointe Kiev du doigt : http://consortiumnews.com/2014/07/20/what-did-us-spy-satellites-see-in-ukraine/
Peu importe que des spécialistes de la question s'interrogent ouvertement : http://www.atlantico.fr/decryptage/crash-vol-mh17-trois-scenarios-techniquement-possibles-1670633.html#IxzyYhK9PFE7juOL.99
Peu importe que même les vétérans du renseignement américain doutent ouvertement des accusations de leur gouvernement : https://consortiumnews.com/2014/07/29/obama-should-release-ukraine-evidence/
Peu importe que les services secrets ukrainiens (les mêmes qui ont annoncé 72 "invasions russes" de l'Ukraine depuis un an) aient étrangement confisqué les conversations entre les contrôleurs du ciel et l'équipage du Boeing : http://www.bbc.com/news/world-us-canada-28360784
Peu importe que les quatre pays qui enquêtent sur le crash - Hollande, Belgique, Australie et Ukraine (tous dans le même camp d'ailleurs) - aient curieusement signé un « accord de non-divulgation » qui interdit à ces pays de divulguer les résultats de l’enquête concernant le MH17 et leur donne un droit de veto les uns sur les autres.
Peu importe tout cela... c'est Poutine on vous dit !
Faire la lumière sur ce qui s'est vraiment passé est le cadet des soucis pour les accusateurs auto-proclamés. Nous sommes dans le rapport de force géopolitique, dont la guerre de l'information est une composante de plus en plus importante.
Quelques jours avant, Poutine était au Brésil où il signait l'accord sur la création de la Banque des BRICS qui risque de mettre à mal le système dollar permettant aux Etats-Unis de vivre au-dessus de leurs moyens et de faire financer leurs guerres par les autres pays. Pour nombre de pays émergents, il représentait, et représente toujours d'ailleurs, une forme d'anti-système, parfois une sorte de Che Guevarra des temps modernes, même dans les cas les plus improbables (Haïti, communauté noire américaine) : http://fr.sott.net/article/24115-Apres-Ferguson-les-manifestants-haitiens-demandent-l-aide-de-Poutine
Après la tragédie du MH17, les pays européens, fortement pressés par Washington, décident de mettre en place des sanctions économiques contre la Russie. A défaut de preuves (et pour cause !) de l'implication russe dans le crash du Boeing, l'émotion suscitée par la campagne de diabolisation médiatique fera l'affaire...
Le vice-président US, Joe Biden, l'avouera : l'Amérique a forcé la main des pays européens qui rechignaient à cette escalade suicidaire : https://www.youtube.com/watch?v=D0zC4cxzszQ
Depuis, Ô divine coïncidence, à chaque fois qu'arrive l'échéance des sanctions européennes et la question de savoir si elles doivent être prolongées de six mois, une poussée de violence éclate en Ukraine. Les forces de Kiev bombardent quelques quartiers de Donetsk, entraînant évidemment la réaction des pro-russes, le tout pour le plus grand bonheur de Washington.
L'Europe a été fortement frappée par le régime des sanctions et contre-sanctions russes et risque de perdre deux millions d'emplois : http://internacional.elpais.com/internacional/2015/06/18/actualidad/1434654005_784654.html
L'Ukraine est devenu un no man's land chaotique avec un PIB en chute de 17%, une dette qui explose, un régime chaque jour plus délirant (http://redpilltimes.com/ukraine-government-is-kookoo-crazy-verkhovna-rada-calls-for-sanctions-against-mongolia-for-khan-genocide-in-13th-century/). Tapiocashenko s'est fortement enrichi tandis que la population a vu son niveau de vie baisser au niveau des pays du tiers-monde. Les milices néo-nazies prennent de l'ampleur et menacent le pouvoir d'un nouveau Maïdan alors que la population, épuisée, est en rébellion ouverte contre les recruteurs de l'armée.
Le sacrifice des "alliés" est un mal nécessaire pour les Etats-Unis dans ce Grand jeu mondial où le second ne reçoit pas de médaille d'argent.